Plus d'une trentaine de personnes, dont un officier tchadien de la force africaine, ont été tuées dans les nouvelles violences qui ont éclaté ces dernières 24 heures à Bangui, où l'armée française et la force africaine ont renforcé leurs patrouilles pour prévenir une reprise des tueries.

Alors que la capitale centrafricaine retrouvait un semblant de vie normale depuis quelques jours, une intense fusillade a éclaté jeudi en fin d'après-midi aux abords de l'aéroport, où les forces françaises et africaines ont établi leur base. Ces tirs ont entraîné une série d'affrontements dans la nuit jusqu'au petit matin, dans plusieurs quartiers de la ville.

D'après des témoignages concordants, un groupe de combattants de l'ex-rébellion Séléka, se déplaçant en taxi, a eu un accrochage jeudi en fin d'après-midi avec des «anti-balaka» (miliciens chrétiens) dans le quartier Gobongo. Des anti-balaka se seraient ensuite infiltrés dans les quartiers avoisinants et se seraient approchés de la base des forces tchadiennes sur l'aéroport, entraînant les tirs des Tchadiens.

Selon la présidence, des miliciens anti-balaka ont «attaqué hier (jeudi) à la grenade le contingent tchadien de la Misca (force africaine) au marché de Gobongo lors d'une patrouille de routine».

Cette attaque a «entraîné la mort d'un officier tchadien et plusieurs blessés, notamment parmi les éléments de la Misca», poursuit le communiqué.

La Croix-Rouge centrafricaine a indiqué avoir récupéré 29 corps, principalement dans les 2e et 3e arrondissements de Bangui, notamment dans le quartier Baya Doumbia, aux abords de l'aéroport.

Une quarantaine de blessés en lien avec ces incidents ont par ailleurs été évacués vers l'hôpital communautaire de Bangui depuis jeudi soir, dont trois sont décédés sur place, selon Médecins sans frontières (MSF).

«J'étais à la maison, les anti-Balaka sont arrivés avec des kalachnikov et des lance-roquettes. J'ai pris une balle dans le pied», a raconté Hussein Sale. Un autre blessé par balle, Alexandre Billy, affirme qu'il s'est fait tirer dessus par des soldats tchadiens. Un autre encore, Wolosse Ndouni, assure qu'il a été blessé par des Séléka.

Après la relative normalisation de ces derniers jours, les avenues et principaux axes de Bangui étaient de nouveau totalement déserts vendredi. La circulation automobile a quasiment cessé, avec de rares passants dans les rues et des boutiques aux volets fermés.

Patrouilles renforcées

Seules présences: de nombreuses patrouilles de la police et de la gendarmerie centrafricaine, des troupes de la force africaine et des soldats français.

«Les patrouilles françaises ont été renforcées à Bangui en raison de la situation tendue depuis hier «(jeudi), a confirmé une source militaire française.

La confusion a aussi été alimentée par une manifestation mouvementée au petit matin, à proximité de l'aéroport, de près de 500 personnes exigeant le départ du président et chef de l'ex-rébellion Séléka Michel Djotodia. Elle a été perturbée par des tirs en l'air de soldats tchadiens de la Misca, qui ont un moment suscité la panique puis le mécontentement de la foule.

Depuis le 5 décembre, les massacres entre chrétiens et musulmans ont fait près d'un millier de morts dans le pays, selon l'organisation Amnesty international. Un responsable de la Croix-Rouge centrafricaine a fait état pour sa part de 583 morts depuis cette date à Bangui.

La plupart des victimes ont été tuées à Bangui dans des représailles de l'ex-rébellion musulmane Séléka (qui a pris le pouvoir en mars 2013), mais également en province dans les atrocités des milices villageoises «anti-balaka» (anti-machettes, en lange locale sango), selon Amnesty.

Ces violences ont précipité l'intervention militaire de la France qui tente depuis lors de désarmer les belligérants et opère en appui à la Misca, forte de 3700 militaires venus pour la plupart des pays voisins, et qui, après le Burundi, devrait recevoir prochainement une participation du Rwanda.

«Malgré le déploiement des forces françaises en appui à la Misca, la sécurité reste gravement menacée à Bangui et plus particulièrement dans certains quartiers pris en otage» par les anti-balaka, a critiqué la présidence.

Ces nouveaux incidents augurent mal d'un retour rapide à la paix: si le désarmement et le cantonnement de plusieurs milliers de combattants Séléka a été relativement aisé, la tâche s'avère bien plus compliquée pour identifier les anti-balaka, souvent mêlés à la population majoritairement chrétienne qui les soutient, évoluant en civil, avec un armement très sommaire.