Les forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) ont revendiqué la prise samedi de la localité stratégique de Kibumba, dans l'est du pays, après de violents combats qui les opposent depuis deux jours à la rébellion du M23.

«Kibumba est depuis ce soir entre les mains des FARDC», les Forces armées de la RDC, a expliqué à l'AFP un officier supérieur de l'armée.

«Nous avons trouvé trois fosses communes dans une position du M23 à Kibumba», a ajouté un capitaine, selon lequel certains rebelles se sont enfuis au Rwanda.

Un officier de la Mission de l'ONU (Monusco), a cependant indiqué à l'AFP que l'armée ne s'était emparée que d'un quartier de la ville, près de la Mosquée.

Interrogé, le président politique du M23, Bertrand Bisimwa, a dénoncé une «propagande», assurant que les FARDC n'étaient «pas à Kibumba» et qu'ils avaient plutôt subi une cuisante défaite.

Kibumba est située à environ 25 km au nord de Goma, capitale de la province du Nord-Kivu, et verrouille la zone contrôlée par le M23 plus au nord. C'est dans cette zone que les rebelles s'étaient repliés fin août après une offensive musclée de l'armée et de la Monusco.

Vendredi, de violents combats entre l'armée et le M23, les plus intenses depuis fin août, ont repris dans la région de Kibumba - poussant 5000 Congolais à se réfugier au Rwanda, selon l'ONU.

Washington s'est déclaré «inquiet» et a appelé «toutes les parties à s'abstenir d'actions menant à une escalade», par la voix de la porte-parole du département d'État, Jen Psaki.

Le chef de la Mission de l'ONU, Martin Kobler, et la représentante spéciale de l'ONU pour la région des Grands Lacs, Mary Robinson, ont appelé l'armée et le M23 à faire preuve d'un «maximum de retenue» et à reprendre les pourparlers de paix de Kampala, mais les combats se sont poursuivis samedi dans la région de Kibumba et un nouveau front s'est ouvert.

Ce front s'est ouvert dans la région de Mabenga, au nord de la zone sous contrôle du M23, à environ 80 km au nord de Goma. L'armée s'était récemment renforcée dans cette région.

Elle «mène une offensive sur l'axe Mabenga-Kahunga. Elle utilise des troupes, des chars, des mortiers», avait déclaré dans la matinée à l'AFP l'officier supérieur de l'armée.

Le M23 avait confirmé l'ouverture d'un nouveau front. L'armée a «lancé une nouvelle offensive sur l'axe Mabenga-Kahunga», a accusé Bertrand Bisimwa. «Tous les fronts (...) sont en ébullition», a renchéri dans l'après-midi le M23 sur son site officiel.

L'armée soupçonne fortement que le M23 bénéficie du soutien du Rwanda, régulièrement accusé par l'ONU et Kinshasa d'aider les rebelles, ce que Kigali dément.

«La situation est confuse. Le Rwanda tire sur nos éléments qui progressent vers Kibumba(...) Nos sources indiquent l'engagement de l'armée rwandaise», avait expliqué l'officier des FARDC.

Samedi soir, le porte-parole de l'armée rwandaise, le général Joseph Nzabamwita, a toutefois assuré à l'AFP que les accusations de tirs n'étaient qu'une «fausse rumeur».

«Empêcher une escalade et une internationalisation du conflit»

Il a ajouté qu'une autre «bombe est tombée hier soir à 17h20 dans le village de Cyamabuye (...) dans le secteur de Busasamana, tuant une réfugiée congolaise (...) et blessant un garçon rwandais». «Aujourd'hui, deux autres personnes (ayant franchi la frontière) ont été blessées par balle», a-t-il ajouté.

Vendredi, l'armée rwandaise a affirmé que trois obus étaient tombés au Rwanda et accusé les FARDC de «viser des civils». L'ONU a demandé une enquête, tandis que l'ambassadeur du Rwanda à l'ONU, Eugène Richard Gasana, a promis des représailles en cas de récidive.

La chef de la diplomatie de l'Union européenne, Catherine Ashton, a pressé samedi dans un communiqué les rebelles «à s'engager d'urgence pour une solution pacifique basée sur les dispositions» prévues dans les pourparlers de paix de Kampala suspendus dimanche dernier.

Elle a appelé également «tous les acteurs de la région à empêcher une escalade et une internationalisation du conflit».

«Une solution durable à l'instabilité chronique dans la région des Grands Lacs ne pourra être trouvée que dans un cadre régional tel que prévu par l'accord-cadre» d'Addis-Abeba, d'après lequel les pays de la région s'engagent à ne soutenir aucun groupe armé dans l'Est congolais, a pour sa part rappelé le ministre belge des Affaires étrangères, Didier Reynders.

Le M23 réclame la pleine application de l'accord prévoyant notamment l'intégration de ses hommes dans l'armée en 2009. Il défend plus généralement les droits des populations congolaises rwandophones.

Des experts de l'ONU ont accusé le Rwanda et l'Ouganda de soutenir la rébellion, ce qu'ils réfutent.

Le 10 septembre, des pourparlers de paix avaient repris à Kampala après plusieurs mois d'arrêt. Mais leur suspension dimanche dernier avait suscité de nombreuses craintes de voir une nouvelle flambée de violence au Nord-Kivu, riche province agricole et minière déchirée par la guerre depuis une vingtaine d'années.