Un coup de projecteur sur une crise oubliée: la République centrafricaine a été mercredi au coeur d'une réunion internationale en marge de l'assemblée générale de l'ONU, son premier ministre lançant un appel pressant à sortir le pays de la «détresse».

La réunion, coprésidée par la France, l'ONU et l'Union européenne, a abouti à quelques promesses d'aide: 10 millions d'euros pour la France, 6,2 millions de dollars pour les États-Unis. Mais il s'agissait surtout de focaliser l'attention sur une «tragédie humanitaire et sécuritaire», selon le chef de la diplomatie française Laurent Fabius, après le «cri d'alarme» poussé la veille par François Hollande à la tribune de l'assemblée.

«À un moment, nous avons pensé que nous étions oubliés du monde», a déclaré aux journalistes le premier ministre centrafricain Nicolas Tiangaye.

«C'est maintenant qu'il faut agir car chaque jour apporte son lot de meurtres, de femmes violées et d'enfants enlevés», a-t-il déploré. «La réunion d'aujourd'hui nous donne des raisons d'espérer, nous voyons que la communauté internationale se mobilise pour aider un pays en détresse».

Il a recommandé de donner à la Misca -- force panafricaine de 1.400 hommes à peine censée aider le gouvernement transitoire de RCA à rétablir l'ordre -- «les moyens financiers et logistiques et un mandat clair et précis pour protéger la population civile».

M. Fabius espère faire adopter en octobre au Conseil de sécurité une résolution soutenant la Misca, avec pour perspective plus lointaine une mission de maintien de la paix de l'ONU en Centrafrique. Des diplomates à l'ONU ne cachent pas cependant que les négociations autour du financement et du contrôle de cette opération seront difficiles.

«Possible d'inverser la tendance»

Un des arguments brandis par Paris, et dont le poids a été renforcé par le récent attentat de Nairobi, est la menace terroriste dans une région fragile.

«Une zone de non-droit peut devenir un repaire pour tous les extrémismes», a averti M. Fabius. Or depuis le renversement du président François Bozizé par les rebelles de la coalition Séléka, les forces de sécurité sont totalement désorganisées et l'administration a cessé d'exister dans une bonne partie du pays.

«Nous pouvons encore empêcher la RCA de devenir une nouvelle Somalie», affirme la Commissaire européenne chargée de l'assistance humanitaire Kristalina Georgieva. Selon elle, «il y a déjà des combattants étrangers, des mercenaires» en RCA, venus du Soudan ou du Tchad.

Mais, malgré une situation humanitaire «critique», elle estime «possible d'inverser la tendance». «La RCA n'est pas la République démocratique du Congo», explique-t-elle. «La crise est gérable mais elle ne le restera pas longtemps».

John Ging, directeur de l'Office des Nations Unies, pour l'aide humanitaire (OCHA) rappelle que l'appel de fonds de l'ONU en faveur de la Centrafrique n'est financé pour l'instant qu'à 37%. Mais il juge lui aussi que la situation «n'est pas sans espoir car les sommes nécessaires sont relativement modestes». «Nous espérons, dit-il, que la réunion d'aujourd'hui va donner un coup de projecteur sur ce pays».

Selon l'ONU, 1,6 million de Centrafricains, soit un tiers de la population, a besoin d'une aide humanitaire d'urgence. Plus de 270.000 ont été déplacés ou se sont réfugiés dans les pays voisins.

Un rapport du Haut-Commissariat de l'ONU aux droits de l'homme présenté mercredi à Genève accuse la Séléka de continuer à commettre de nombreuses exactions.

«Des exécutions sommaires, la violence sexuelle, le recrutement d'enfants et le pillage de biens, y compris d'hôpitaux, d'écoles et d'églises, commis par la Séléka se sont poursuivis sans relâche, et engagent la responsabilité de l'État», a déclaré la Haut-commissaire adjointe aux droits de l'Homme, Flavia Pansieri, présentant le rapport à Genève.