Les autorités fédérales somaliennes et celles du Jubaland, territoire du sud-ouest qui échappe à l'autorité de Mogadiscio, ont signé mercredi à Addis Abeba un accord prévoyant une «administration temporaire» de la zone et une intégration progressive à l'État fédéral somalien.

Le Jubaland est contrôlé par Ahmed Madobe, ex-islamiste devenu chef de guerre. Chef de la milice Ras Kamboni et allié du Kenya en Somalie, M. Madobe s'est fait élire président du Jubaland en mai dernier, lors d'un processus déclaré illégal par le gouvernement somalien.

«Le gouvernement fédéral de Somalie et les délégations du Juba ont trouvé un accord sur une administration intérimaire pour le Juba», indique une copie du projet final d'accord obtenu par l'AFP. L'exemplaire de l'accord paraphé lors d'une cérémonie ouverte à la presse n'a pas été rendu public.

L'accord a été signé à l'issue d'une semaine de négociations à Addis Abeba sous l'égide de l'Éthiopie.

Selon le ministre d'État somalien auprès de la présidence, Farah Sheikh Abdulkadir, signataire de l'accord, celui-ci réunit le Jubaland au sein de l'État fédéral somalien. «Nous avons convenu que nous ne sommes pas deux parties dans le processus de construction de l'État somalien, mais une seule entité dans le processus de construction de l'État fédéral de Somalie», a-t-il déclaré.

L'accord prévoit que l'administration intérimaire sera dirigée durant deux ans par M. Madobe et que le port stratégique de Kismayo - et son aéroport passeront sous le contrôle du gouvernement somalien dans les six mois.

«Je veux vous assurer que je ne suis pas venu ici pour dire quelque chose et ensuite ne pas le mettre en oeuvre», a promis Ahmed Madobe, après avoir signé l'accord qui appelle également «toutes les forces de sécurité» du territoire à intégrer l'Armée nationale somalienne (SNA), y compris la milice Ras Kamboni de M. Madobe.

Les détails de l'accord seront finalisés lors d'une conférence de réconciliation à Mogadiscio, dont la date n'a pas encore été fixée.

«Nous avons de grands espoirs, mais nous devons aussi garder les yeux ouverts. La Somalie est complexe et a une histoire mouvementée, nous allons donc suivre cela de près», a déclaré à l'AFP le représentant spécial de l'ONU en Somalie Nick Kay.

Les divisions régionales qui morcellent la Somalie menacent le processus de reconstruction d'un État central, entamé avec l'élection en septembre 2012 du président Hassan Cheikh Mohamoud et dopé par les revers essuyés par les islamistes shebab qui ont perdu depuis août 2011 l'ensemble de leurs bastions du sud et du centre du pays.

Au nord, le Somaliland (ex-Somalie britannique) a fait sécession dès 1991 et tient depuis farouchement à son indépendance. Au nord-est la région du Puntland qui s'est déclaré autonome en 1998, sans faire sécession, a récemment suspendu ses liens avec le gouvernement fédéral somalien. Par ailleurs, les shebab contrôlent toujours de larges zones rurales du Centre et du Sud somaliens.

La Somalie est privée de véritable autorité centrale depuis la chute du président Siad Barre en 1991, qui a précipité le pays dans plus de deux décennies de chaos. Les actuelles autorités somaliennes ne contrôlent que peu de territoire au-delà de Mogadiscio.

Le Jubaland réunissant les régions administratives de Gedo, du Bas-Juba et du Moyen-Juba, forme le talon sud de la Somalie, le long de sa frontière avec le Kenya. Il échappe depuis de nombreuses années à l'autorité de Mogadiscio. Plusieurs chefs de guerre ont tenté de mettre en place des gouvernements autonomes au Jubaland dans les années 1990 et 2000.

Plusieurs milices rivales se battent depuis plusieurs mois pour le contrôle de Kismayo, repris aux shebab en octobre 2012 par le contingent kényan de l'AMISOM épaulé par Ras Kamboni.

La Somalie avait officiellement demandé à l'AMISOM de retirer le contingent kényan déployé dans la zone, accusant Nairobi de soutenir ouvertement Ahmed Madobe.