En un an, le Mali a connu beaucoup d'instabilité: rébellion touareg et islamiste, coup d'État, intervention militaire. Si l'élection d'un nouveau président représentait un défi en soi, le plus difficile reste encore à faire pour Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), qui devra réconcilier un pays divisé par 18 mois de crise politico-militaire. Voici quatre défis qui attendent le nouveau président.

Former un gouvernement crédible

Même si la communauté internationale s'est félicitée de l'élection démocratique d'un président, il n'en reste pas moins qu'à l'intérieur du pays, IBK devra encore convaincre de sa légitimité. Son plus grand défi sera de constituer un gouvernement, croit Bruno Charbonneau, directeur de l'Observatoire sur les missions de paix à la chaire Raoul-Dandurand. Plus d'un million d'électeurs n'ont pas pu voter, car ils n'étaient pas inscrits sur les listes électorales, et le taux de participation dans le nord du pays, lors du premier tour, ne dépassait pas les 12%, souligne M. Charbonneau. IBK devra imposer sa crédibilité aux partisans du président renversé Amadou Toumani Tourée et à la junte militaire à l'origine du putsch.

Lutter contre la corruption

Les tensions avec les séparatistes touaregs et les islamistes dans le nord du pays ont fait la manchette depuis 18 mois. «Mais derrière cette situation, le problème le plus fondamental est la refondation de l'État malien, dit M. Charbonneau. Ce qui est derrière la crise de 2011-2012 est le mauvais fonctionnement de l'État, la corruption politique, les programmes de développement qui ont donné peu de résultats surtout dans les régions marginalisées du Nord. Ce qui s'est passé en 2012 est un symptôme de tous ces problèmes», ajoute le professeur.

Gérer la présence internationale

La communauté internationale, et particulièrement la France, est intervenue pour maintenir la paix au Mali et a fait pression pour qu'il y ait des élections rapidement, en promettant une aide de 4 milliards US. Reste maintenant à voir comment IBK pourra négocier et gérer la présence militaire internationale. «Le président aura donc à gérer deux sources d'influences», précise M. Charbonneau. Il y a la communauté internationale et les demandes du peuple malien. À moyen terme, des tensions pourraient émerger de volontés contradictoires de ces deux groupes.

Débattre de la place de la religion

Le Mali pratique traditionnellement un islam modéré. Mais depuis quelques années, la place de la religion dans l'appareil étatique et dans la société malienne suscite le débat. La crise de 2012 avait débuté par une rébellion des Touaregs dans le nord du Mali, supplantés par des groupes criminels et islamistes armés liés à Al-Qaïda pour le contrôle de cette région. «Bien que le débat ait été gelé par l'intervention française, la question n'a pas disparu, car la religion représente une alternative face à un État vu comme illégitime, incapable ou corrompu, indique M. Charbonneau. La religion devient une source de moralité et de justice que l'État a été incapable d'offrir aux Maliens depuis des années.»