Le président soudanais Omar El-Béchir, recherché par la justice internationale pour crimes de guerre, a rapidement quitté le Nigeria où il participait à un sommet africain, alors que la CPI avait réclamé son arrestation aux autorités nigérianes.

Arrivé dimanche en fin d'après-midi, le président Béchir «est parti dans l'après-midi» de lundi, a déclaré à l'AFP Mohammed Moiz, porte-parole de l'ambassade du Soudan à Abuja.

M. Moiz a nié tout lien entre le départ de M. Béchir à la veille de la fin du sommet de l'Union africaine auquel il participait et les demandes d'arrestation dont il fait l'objet, déclarant que le dirigeant avait un autre engagement.

Mais la Cour pénale internationale a déclaré mardi avoir demandé la veille au Nigeria d'«arrêter immédiatement et lui remettre» le président soudanais.

Des militants nigérians des droits de l'homme avaient aussi dit vouloir saisir la justice de leur pays pour obtenir son arrestation.

M. Béchir participait à Abuja à un sommet de l'UA sur le sida, la tuberculose et le paludisme ouvert lundi et qui doit s'achever mardi. Au final, il ne sera resté que près de 24 heures sur place.

Selon M. Moiz, M. Béchir est reparti pour Khartoum, mais il n'a pas donné de détails sur l'engagement qui l'a poussé à rentrer.

Le Nigeria avait justifié lundi sa décision d'accueillir le président soudanais, sous le coup de plusieurs mandats d'arrêt de la CPI, renvoyant la responsabilité de son invitation à l'Union africaine, organisatrice du sommet.

M. Béchir fait l'objet de mandats d'arrêt de 2009 et 2010 de la Cour basée à La Haye pour crimes de guerre, crimes contre l'humanité et génocide dans le conflit de la province soudanaise du Darfour.

Selon des estimations de l'ONU, le conflit y aurait fait quelque 300 000 morts depuis son début en 2003, un chiffre contesté par Khartoum qui parle de 10 000 morts.

La CPI rappelle que le Nigeria, partie à la Cour, «avait l'obligation d'obéir» à ses demandes et que son refus pourrait l'amener à en référer au Conseil de sécurité de l'ONU.

La politique de l'UA est d'ignorer les mandats d'arrêt de la cour, lui reprochant de n'avoir jusqu'à présent inculpé que des Africains.

M. Béchir s'est déjà rendu dans des États parties à la CPI tels que le Tchad, Djibouti et le Kenya, mais d'autres pays africains tels que l'Afrique du Sud et le Botswana l'ont maintenu à l'écart.

Pour l'ONG Human Rights Watch, la résolution de l'UA selon laquelle les mandats d'arrêt doivent être ignorés «ne dispense pas le Nigeria de ses obligations en tant que membre de la CPI».

Elise Keppler, directrice adjointe du programme justice internationale de HRW, a qualifié la venue de M. Béchir d'«affront aux victimes» du Darfour.

«Le Nigeria s'est distingué de manière honteuse en devenant le premier pays d'Afrique de l'Ouest à accueillir le président soudanais qui fuit la CPI», a-t-elle ajouté.

Le premier ministre éthiopien Hailemariam Desalegn, président en exercice de l'UA, a récemment accusé la CPI de mener «une sorte de chasse raciale» et pour certains responsables, les mandats d'arrêt contre le dirigeant soudanais entravent le processus de paix dans son pays.

Les militants des droits de l'homme rétorquent que la grande majorité des investigations sont menées à la demande des gouvernements des pays où les crimes ont eu lieu ou du Conseil de sécurité des Nations unies à cause de la gravité des crimes commis.

«Comment peut-on considérer que la (CPI) prend (tel ou tel pays)pour cible alors qu'ils ne font que répondre à des requêtes venant directement des gouvernements concernés ou du Conseil?», s'est interrogée Mme Keppler.