L'Éthiopie, dont un projet de barrage sur le Nil suscite la colère de l'Égypte, a exhorté jeudi à Juba les pays du Bassin du Nil à ratifier un accord-cadre de 2010, rejeté par Le Caire et prévoyant «une utilisation équitable et raisonnable» des eaux du fleuve.

Des six pays riverains du Nil signataires de cet Accord-cadre de Coopération (CFA) (Éthiopie, Burundi, Kenya, Rwanda, Tanzanie et Ouganda), seule l'Éthiopie l'a ratifié, à la mi-juin. Le Soudan du Sud, indépendant depuis juillet 2011 seulement, ne l'a pas signé, tout comme la République démocratique du Congo (RDC).

L'Égypte et le Soudan refusent catégoriquement de signer cet accord qui revient sur la primauté et les privilèges sur le Nil qu'ils s'étaient accordés dans un traité bilatéral de 1959, à une époque où leurs voisins étaient encore sous administration coloniale.

«Nous n'allons pas permettre à un unique pays d'avoir le contrôle total sur nos ressources partagées», a déclaré à Juba le ministre éthiopien de l'Eau et de l'Énergie, Alemayehu Tegenu. 

«Il est donc de mon devoir d'appeler tous les autres pays du Bassin à finaliser le processus de ratification dès que possible», a souligné M. Alemayehi. Le Bassin du Nil est à «un moment critique de son histoire», a-t-il affirmé lors d'une réunion des ministres de l'Initiative du Bassin du Nil (NBI) qui regroupe les dix États riverains du fleuve.

Le CFA octroie notamment à «chaque État du Bassin (...) une part équitable et raisonnable des utilisations utiles des ressources en eau du système du Fleuve Nil et du Bassin du Fleuve Nil». Le traité n'entrera en vigueur qu'après la ratification par au moins six pays riverains du Nil.

L'accord de 1959, contesté par les autres pays riverains prévoyait un partage entre Le Caire et Khartoum de la quasi-totalité des ressources du fleuve et une position unifiée face à toute prétention d'un État tiers sur les eaux du Nil.

L'Égypte a haussé le ton depuis que l'Éthiopie a, fin mai, commencé à dévier de 550 m le cours du Nil-Bleu (qui rejoint le Nil-Blanc au Soudan pour former le Nil), dans le cadre du début des travaux de construction du barrage hydro-électrique «Grande Renaissance», d'une capacité à terme de 6000 mégawatts.

Le Caire craint que ce barrage, le plus grand d'Afrique une fois achevé, ne réduise en aval le débit du fleuve, vital pour l'Égypte, et a averti que «toutes les options étaient ouvertes».

Le CFA «sape les progrès accomplis durant des années de coopération», a estimé jeudi Ahmed Baha El-Din, qui représentait le ministre égyptien de l'Irrigation absent. Il a appelé les pays de la NBI à «réexaminer de bonne foi» d'autres solutions.

«L'Égypte n'a jamais été et ne sera jamais opposée au développement de nos frères des pays du Nil, tant que le processus n'a pas de conséquences pour les ressources hydriques égyptiennes ou n'entrave pas la coopération entre nous», a-t-il souligné.

Les ministres éthiopien et égyptien des Affaires étrangères se sont rencontrés mardi à Addis Abeba et promis que leurs deux pays allaient entamer des discussions autour du projet de barrage éthiopien. Addis Abeba a néanmoins totalement écarté à plusieurs reprises la possibilité d'y renoncer, estimant l'ouvrage indispensable à ses besoins énergétiques.