La communauté internationale se penchait dimanche à Doha sur un vaste programme de développement du Darfour, une région de l'ouest du Soudan toujours instable après dix ans d'une guerre marquée par des atrocités et des déplacements massifs de population.

Pas moins de 400 responsables gouvernementaux, représentants d'agences des Nations unies et d'organisations caritatives participent à cette conférence de deux jours qui espère lever 7,2 milliards de dollars sur six années pour le Darfour.

«L'heure de la paix a sonné au Darfour, une paix qui a besoin d'être renforcée par le développement», a déclaré à l'ouverture des travaux, le premier ministre du Qatar, cheikh Hamad Ben Jassem Al-Thani.

«La conférence est une occasion unique offerte au Soudan et au Darfour pour changer la destinée de cette région frappée par la guerre», a déclaré à l'AFP Jorg Kuhnel, un responsable du Programmes des Nations unies pour le développement (PNUD), basé au Soudan.

Cette conférence a été précédée samedi par des manifestations de déplacés au Darfour protestant contre l'insécurité persistante dans cette région qui rend difficile leur retour dans leurs villages.

Les déplacés, au nombre de 1,4 million sur une population totale de six millions de personnes, vivent dans des camps et dépendent de l'assistance humanitaire.

«Après dix ans d'assistance humanitaire, il est temps de commencer à donner aux communautés du Darfour les moyens de se reconstruire et de se prendre en charge», a plaidé M. Kuhnel.

Sur le terrain, même si la violence a nettement baissé, les escarmouches se poursuivent entre rebelles et soldats, de même que des accrochages entre tribus rivales, des enlèvements et des vols.

La conférence s'inscrit dans le cadre d'un accord de paix conclu par Khartoum en juillet 2011 à Doha avec de petits groupes rebelles, dont le dernier -des dissidents du Mouvement pour la justice et l'égalité- a signé samedi à Doha un document confirmant son adhésion à l'accord avec Khartoum.

Le vice-président soudanais Ali Osman Taha a appelé dans son discours devant les participants «tous ceux qui portent les armes à prendre la décision historique de respecter la volonté des habitants du Darfour», mettant en garde les groupes armés qui refusent d'adhérer à l'accord de paix.

Ces derniers ont dénoncé dimanche la tenue de cette conférence. «Je voudrais condamner très fermement» la conférence de Doha, a déclaré, par téléphone, à l'AFP Abdel Wahid Mohammed Al Nour, qui dirige l'Armée de libération du Soudan (ALS).

«Pour avoir une conférence des donateurs, il faut d'abord avoir la paix et la sécurité sur le terrain», a-t-il ajouté, estimant que «l'argent n'ira pas aux populations».

Sur une ligne similaire, Jibril Adam Bilal, du Mouvement pour la Justice et l'Égalité (JEM), a demandé de son côté à la communauté internationale de ne pas «donner au gouvernement du Soudan une occasion de se livrer à des crimes» contre le peuple du Darfour.

La rébellion, animée par des ethnies africaines, a éclaté en 2003 en réaction au manque de développement et à la domination d'élites arabes. Elle a été réprimée avec force par l'armée, soutenue par les miliciens Janjawid qui se recrutaient parmi les Arabes habitant cette vaste région.

Selon l'ONU, le conflit a fait 300 000 morts, ce que conteste le gouvernement soudanais qui parle uniquement de 10 000 personnes tuées.

Les atrocités ont provoqué l'indignation de la communauté internationale et la Cour pénale internationale (CPI) a lancé un mandat d'arrêt contre le président soudanais Omar el-Béchir, accusé de crimes de guerre.

La stratégie de développement débattue à Doha consiste à relancer la production agricole, donner accès au crédit et examiner d'autres mesures pour aider les populations locales à se libérer de l'assistance humanitaire.

«Nous sommes conscients que le moment n'est peut-être pas le mieux choisi pour susciter des contributions internationales, mais nous pensons que ce serait une grave erreur que de ne pas saisir cette occasion» pour aider le Darfour, a dit M. Kuhnel.