Au Sahel, 18,7 millions d'Africains sortent de longs mois de crise alimentaire. Si la situation s'améliore lentement, le combat n'est pas gagné dans cette région happée de plein fouet par les changements climatiques.

Région d'Ouahigouya, Burkina Faso Ibaita Maiga ne se souvenait plus quand elle avait mangé plus que quelques cuillerées par jour quand La Presse l'a rencontrée, au début de l'automne. Ses quatre enfants et son mari handicapé non plus.

«Les réserves de l'année dernière sont terminées depuis deux mois. On a peu récolté à cause de la sécheresse», a-t-elle dit. Entre les distributions alimentaires des Nations unies, la jeune mère trompait la faim en faisant bouillir des feuilles sauvages.

Idrissa Buda était seul avec ses trois enfants amaigris lors de notre passage. Sa femme, Fatimata, était restée au centre de santé à plusieurs kilomètres avec le petit dernier de 1 an, traité pour malnutrition sévère, comme presque 100 000 petits Burkinabés.

Le Burkina Faso, comme les pays voisins, a durement été touché par une sécheresse qui a entraîné une perte de 20% des récoltes par rapport à 2010, et une hausse de plus de 60% du prix des aliments dans certaines régions.

Maintenant, la crise alimentaire est terminée. «Les récoltes ont été très bonnes cette année. Mais plusieurs familles doivent maintenant vendre jusqu'à 40% de leurs récoltes pour rembourser les dettes contractées pour faire face à la crise alimentaire», explique Amidou Ouattara, directeur d'une ONG locale qui offre des formations aux agriculteurs.

Timides avancées

Dans le monde, malgré l'augmentation de la population, le nombre d'affamés a diminué, passant de 19% de la population mondiale au début des années 90 à 12,5% en 2011, selon l'ONU.

Pour Martin Dawes, du bureau Afrique de l'Ouest et centrale de l'UNICEF, il y a des raisons d'être positif: les gouvernements ont agi plus rapidement, l'aide humanitaire a été mieux coordonnée et les dons sont arrivés plus rapidement.

«Mais il ne faut pas faire preuve de complaisance. Il y a encore beaucoup à faire. Il faut aller au-delà de la réponse d'urgence, prévenir, mais aussi mieux faire face aux crises nutritionnelles», prévient M. Dawes. Car, même si on arrive à nourrir les populations, le contenu nutritionnel des aliments disponibles est parfois trop pauvre, ce qui entraîne des diarrhées et d'autres problèmes de santé mortels chez les enfants. Cette année, on a compté 1,1 million d'enfants souffrant de grave malnutrition. C'était 1,5 million en 2005.

Changements climatiques

Alors que le nord du Burkina est maintenant recouvert d'une végétation dense et verte, il est difficile de croire que la région sort d'une des pires sécheresses de son histoire. Depuis 30 ans, inondations et sécheresses s'y succèdent. Si, en 2011, les pluies manquaient, cette année, les intempéries ont fait 18 morts et 21 000 sinistrés. En Afrique de l'Ouest, ils ont fait plus de 3 millions de sinistrés.

Aida Sawadogo est soulagée, car elle craignait les inondations. Depuis 2001, la femme de 32 ans n'a pas réussi à passer une année complète sans devoir acheter de la nourriture. Et cette année, elle a même dû vendre son bétail pour nourrir sa famille. Comme ses voisins.

«Les pluies sont complètement irrégulières», explique Amidou Ouattara. Pour lui, tout passe par le contrôle de l'eau. Il montre fièrement les champs de ses élèves qui ont appris quelques méthodes d'irrigation et ont ainsi doublé leur production céréalière. «Avec du bon travail et un peu d'expérimentation, on peut aider les paysans à devenir résilients aux crises alimentaires.»

Pour Irina Furhman, d'OXFAM, mettre fin au cycle des crises alimentaires est possible avec un investissement à long terme dans les techniques d'agriculture. «Le Sahel est une des régions les plus fragiles. Les changements climatiques vont le fragiliser encore plus. Il faut travailler en amont», explique-t-elle.

LA CRISE ALIMENTAIRE EN CHIFFRES

Nombre de personnes touchées par la crise

18,74 millions

Total de l'aide humanitaire déployée

1,031 milliard de dollars américains

Dons du Canada

67,8 millions de dollars américains

(soit 5,1% des contributions mondiales)