Plusieurs personnes ont été blessées dans de nouveaux affrontements samedi à Dakar entre policiers et jeunes qui tentaient, comme la veille, d'accéder à une place du centre-ville où devait se tenir une manifestation interdite de l'opposition contre un nouveau mandat du président Abdoulaye Wade.

Des secouristes de deux organisations indépendantes ont parlé à l'AFP l'un de deux blessés et l'autre d'une dizaine de blessés, une source autorisée a évoqué quatre blessés secourus depuis le début de l'après-midi.

Par ailleurs, un jeune est mort après avoir été blessé vendredi soir à Kaolack (ouest du Sénégal) lors d'une manifestation organisée pour protester contre «la profanation» d'une mosquée de Dakar par la police.

Ce décès porte à cinq le nombre de morts depuis fin janvier en lien avec la contestation de la candidature d'Abdoulaye Wade à la présidentielle du 26 février.

Pour la cinquième journée consécutive, l'opposition et la société civile, rassemblées au sein du Mouvement du 23 juin (M23), avaient décidé de maintenir une manifestation interdite contre la candidature de M. Wade.

Des centaines de jeunes se sont retrouvés sur l'avenue Georges Pompidou menant à la Place de l'Indépendance où devait se tenir la manifestation. Ils ont jeté des pierres sur des policiers qui leur barraient l'accès, les policiers ont riposté à coups de gaz lacrymogènes pour disperser les manifestants et ont utilisé un canon à eau pour éteindre le feu à des barricades de fortune érigées sur l'avenue.

Des scènes similaires se sont produites dans plusieurs rues du centre-ville, où tous les commerces avaient fermé, alors que de nombreux riverains regardaient la scène sur le pas de leur porte ou sur les trottoirs, certains se couvrant le nez pour se protéger du mélange âcre de fumée et de gaz lacrymogènes.

Les gaz lacrymogènes n'ont pas épargné l'Hôtel de ville de Dakar où, selon le maire Khalifa Sall (opposition), 17 mariages étaient prévus samedi et ont été perturbés. «Ils jettent des grenades lacrymogènes ici, c'est l'irresponsabilité des forces de l'ordre», a-t-il dit à l'AFP.

Toutes les rues et avenues menant à la Place de l'Indépendance, dans le quartier administratif et des affaires du Plateau où se trouve le Palais présidentiel, ont été barrées par les forces de sécurité, qui ont empêché plusieurs candidats opposants d'y accéder, dont le maire Cheikh Bamba Dièye et les ex-ministres des Affaires étrangères Ibrahima Fall et Cheikh Tidiane Gadio.

M. Dièye est néanmoins parvenu à se rendre sur la Place, où il s'est étendu à même l'asphalte, avant d'en être éconduit sans ménagement par des policiers.

Cela «ne va pas nous arrêter, Abdoulaye Wade ne pourra pas nous arrêter. Il peut barrer toutes les rues de Dakar, bloquer toutes les voies, sortir les chars de combat, ça ne nous arrêtera pas», a affirmé M. Gadio à l'AFP, dénonçant un «forcing contre (le) peuple».

Vendredi, une dizaine de personnes, dont un policier, avaient été blessées au Plateau lors de violences similaires, exacerbées par le geste d'un officier de police qui a lancé des grenades lacrymogènes à l'intérieur d'une mosquée de la confrérie musulmane des Tidianes située dans cette zone.

Une manifestation de colère contre ce fait a eu lieu à Kaolack (ouest) où un jeune homme est mort dans des circonstances non précisées par la police, la presse locale affirmant qu'il avait été touché par une grenade lacrymogène.

Des actions de vengeance ont été menées à Tivaouane (ouest), une des cités saintes des Tidianes, où la mairie a été saccagée et incendiée. Le maire de la ville, El-Hadj Malick Diop, de la mouvance présidentielle, a mis en cause des jeunes opposants «manipulés».

Le ministre de l'Intérieur Ousmane Ngom a rencontré samedi Serigne Mansour Sy, calife général de la confrérie des Tidianes à Tivaouane, pour tenter de calmer les esprits. Le porte-parole du calife a appelé les fidèles «au calme et à la sérénité».

Des ONG de défense des droits de l'Homme ont déploré les violences, en dénonçant des «dizaines d'arrestations» depuis trois jours. Elles ont exhorté les autorités «à cesser immédiatement la répression en cours».

Sept jeunes du mouvement Y'en a marre opposé à un nouveau mandat de M. Wade, qui avaient été arrêtés jeudi à Dakar ont été inculpés de «participation à une manifestation non autorisée» et mis en liberté et seront jugés le 22 février, selon leur collectif. 13 autres demeurent toujours à la police.

Élu en 2000, réélu en 2007, M. Wade se dit sûr de remporter la présidentielle au premier tour. Le M23 estime qu'il a épuisé ses deux mandats légaux et juge illégale sa nouvelle candidature, ce que contestent ses partisans qui soulignent que des réformes de la Constitution lui donnent le droit de se représenter.

C'est dans ce climat de vive tension que quelque 23 000 militaires et paramilitaires ont commencé à voter à la présidentielle samedi, jusqu'à dimanche.