La commission électorale tunisienne a annoncé lundi les résultats définitifs des élections du 23 octobre dernier qui confirment la nette victoire du mouvement islamiste «Ennahdha» au premier scrutin démocratique et libre du pays.

Le parti de cheikh Rached Ghannouchi a obtenu 89 sièges sur les 217 que compte l'Assemblée constituante, a annoncé l'Instance supérieure indépendante pour les élections en Tunisie (ISIE) lors d'une conférence de presse.

Loin derrière, le Congrès pour la République (CPR) du militant des droits de l'Homme Moncef Marzouki décroche 29 sièges, suivi par «Al Aridha Chaâbia» (la Pétition populaire), qui a surpris les observateurs en remportant 26 sièges et en devenant ainsi la troisième force politique du pays.

Avec un tel score inattendu, ce courant chapeauté par l'homme d'affaires Hachémi, Hamdi basé à Londres où il dirige la chaîne de télévision satellitaire «Al Mustaquilla», a supplanté des partis donnés initialement parmi les favoris.

Ayant récupéré sept sièges par des recours introduits auprès du tribunal administratif, Al Aridha Chaâbia se place devant Ettakatol (Forum démocratique pour le travail et les libertés, FDLT), une formation de centre-gauche conduite par le Dr Mustapha Ben Jaâfar, qui obtient 20 élus.

Le Parti démocrate progressiste (PDP), principal parti d'opposition au régime du président Zine el Abidine ben Ali, parti en exil en Arabie saoudite le 14 janvier sous la pression de la rue, n'a remporté que 16 sièges.

Le Pôle démocratique moderniste (PDM) se contente de 5 élus, tout comme le parti «Al Moubadara» (L'initiative) de Kamel Morjane, un haut fonctionnaire des Nations unies qui a été ministre de la Défense puis des Affaires étrangères de Ben Ali.

Les sièges restants sont revenus à d'autres partis et candidats indépendants, dont «Afek Tounès» (Perspectives de Tunisie/libéral), avec 4 sièges, et le Parti communiste ouvrier tunisien (PCOT) de Hamma Hammami, avec 3 sièges.

Organisée neuf mois après le soulèvement populaire qui a balayé le régime totalitaire de Ben Ali, cette première consultation libre dans l'histoire contemporaine de la Tunisie a enregistré un taux de participation officiel de 54,1%, selon l'ISIE. Pour un corps électoral estimé à plus de 7,5 millions d'électeurs, plus de quatre millions de Tunisiennes et de Tunisiens sont allés aux urnes. Les autorités avaient dans un premier temps évoqué plus de 90% de participation.

Les observateurs étrangers, notamment européens et américains, ont déclaré que le scrutin s'était correctement passé, malgré des irrégularités jugées mineures.

Le président de la commission électorale, Kamel Jendoubi, ancien dirigeant du réseau euro-méditerranéen des droits de l'Homme, a estimé que l'ISIE avait «contribué manifestement à rétablir la confiance du Tunisien dans le processus électoral», en dépit «des difficultés inhérentes à une première expérience du genre» et du «peu de temps» (quatre mois) dont elle disposait pour organiser une telle opération.

Il a déclaré qu'il allait recommander à l'Assemblée constituante, qui tiendra sa première réunion le 22 novembre, d'en faire un mécanisme permanent. «Nous devons préserver cet acquis qui est le garant de l'alternance au pouvoir, en prévision des élections (présidentielle, législatives et municipales) à venir», a-t-il analysé.

M. Jendoubi a, par ailleurs, rendu un vibrant hommage au gouvernement de transition sortant, en particulier au premier ministre Béji Caïd Essebsi pour «l'appui sans réserve» apporté à l'ISIE, ainsi qu'au corps de la sécurité et à l'armée pour «le rôle essentiel» qu'ils ont joué pour assurer «le succès des élections».

L'Assemblée aura pour principale tâche d'élaborer une nouvelle Constitution en remplacement de celle plusieurs fois amendée sur mesure par l'ancien président «pour écarter ses rivaux et s'éterniser au pouvoir», selon ses opposants.