Les nouvelles attaques sanglantes au Nigeria revendiquées par la secte islamiste Boko Haram qui multiplie depuis peu les attentats suicide, démontrent sa radicalisation, certains allant jusqu'à parler de véritable insurrection armée.

Ses assauts coordonnés qui ont secoué le nord-est du pays vendredi, faisant au moins 150 morts, seraient son opération la plus meurtrière. Au moins cinq kamikazes ont pris part à l'offensive qui a visé des postes de police, une base militaire et des églises dans les États de Borno et Yobe.

«La vérité, c'est que nous avons affaire à une insurrection armée», estime Shehu Sani, directeur d'une ONG de défense des droits de l'Homme, Civil Rights Congress.

Longtemps perçu comme un groupe local avec une base dans le nord-est où il est particulièrement actif, Boko Haram y a multiplié les assassinats de policiers, de soldats et les attaques de bars à bière à l'aide d'armes à feu ou de bombes artisanales.

Ses actions sont devenues de plus en plus sophistiquées et la donne a changé le 26 août quand la secte a revendiqué un attentat suicide contre le siège de l'ONU en plein coeur de la capitale Abuja (centre), faisant 24 morts.

La charge symbolique et la dimension internationale de cette attaque ont  rapidement alimenté les inquiétudes sur d'éventuels liens avec des groupes terroristes extérieurs, notamment la branche maghrébine d'Al-Qaïda, Aqmi.

«Boko Haram s'est radicalisé et c'est dangereux pour le pays», estime le professeur Olu Obafemi, de l'Institut nigérian d'études politiques et stratégiques.

Si les soupçons d'une dimension internationale du mouvement sont «forts», «nous n'en avons pas de preuve», souligne-t-il néanmoins.

En revendiquant les attaques de vendredi, le groupe a également lancé une menace: «Nous allons continuer à attaquer des cibles du gouvernement fédéral tant que les forces de sécurité continueront à persécuter nos membres et les civils vulnérables», a dit un porte-parole présumé.

Si les symboles de l'autorité de l'Etat sont les cibles de prédilection de la secte, ses objectifs ne semblent en revanche pas clairs, selon certains analystes.

Boko Haram a affirmé dans le passé vouloir une application plus stricte de la charia dans le nord, une région majoritairement musulmane où la loi islamique est en vigueur depuis plus de dix ans.

Le sud du pays le plus peuplé d'Afrique (160 millions d'habitants) est à dominante chrétienne.

«Les gens dans le sud du Nigeria évoquent des attaques visant à islamiser le pays, mais c'est le nord qui paie le plus lourd tribut (...) cela est difficile à comprendre», note Chidi Odinkalu, à la tête de l'ONG Open Society Justice Initiative, basée à Abuja.

Pour Onah Ekhomu, un expert indépendant en sécurité, la première ambition du mouvement est «l'anarchie».

Le fait qu'il semble s'être divisé en plusieurs factions ne facilite pas non plus la lecture de son message.

Pour un diplomate occidental à Abuja, une chose est claire: «la menace est accrue et c'est particulièrement inquiétant», dit-il sous couvert d'anonymat.

Pour lui, le plus important est la réponse apportée par les autorités.

Le gouvernement a déployé en force l'armée, parfois mis en accusation pour sa brutalité. Mais pour certains observateurs, l'«option militaire» n'est pas adéquate.

«À chaque fois qu'il a été attaqué par la police ou l'armée (...) le groupe a émergé à nouveau», souligne Shehu Sani, pour qui les autorités devraient privilégier le dialogue.

Après une insurrection violemment matée en 2009 (des centaines de morts), Boko Haram avait fait profil bas un temps, avant de refaire surface.

Selon M. Sani, un climat d'insécurité prévaut désormais au Nigeria, et l'impact de cette «insurrection» est à la fois politique, social et économique.

Certains relèvent cependant que l'inquiétude semblent moins forte dans le sud du pays, où sont situés la capitale économique Lagos et la zone pétrolifère cruciale pour l'économie du pays, car cette région a pour l'heure été épargnée.