Le bilan des tribunaux populaires rwandais gacaca chargés de juger la quasi-totalité des auteurs présumés du génocide des Tutsi de 1994 est «mitigé» et entaché «de graves erreurs judiciaires», a estimé mardi l'organisation de défense des droits de l'homme Human rights watch.

HRW reconnaît que ce système «a obtenu certaines réussites» depuis son lancement en 2005 comme «la tenue de procès rapides avec la participation populaire, une réduction de la population carcérale, une meilleure compréhension de ce qui s'est passé en 1994».

Mais l'organisation ajoute avoir «constaté un large éventail de violations (des principes d'un) procès équitable» dans le fonctionnement des gacaca (prononcer gatchatcha).

«HRW a choisi de fonder son verdict en citant une poignée de cas qui se sont mal passés, et en laissant entendre que la totalité des 1,2 million (de jugements) peut être analysée à cette aune», a réagi dans un communiqué le ministre rwandais de la Justice Tharcisse Karugarama.

«C'est se moquer des efforts de tous les Rwandais qui travaillent ensemble à promouvoir justice et réconciliation», poursuit le ministre.

Dans son rapport, HRW déplore notamment «des restrictions sur la capacité de l'accusé à établir une défense efficace; de fausses accusations, dont certaines basées sur la volonté du gouvernement rwandais de faire taire les critiques; le détournement du système gacaca pour régler des comptes personnels; l'intimidation de témoins à décharge par des juges ou par des autorités».

«Dans de nombreux cas, des témoins potentiels ne se sont pas exprimés pour la défense de suspects du génocide parce qu'ils craignaient des poursuites pour parjure, complicité dans le génocide ou idéologie génocidaire», estime HRW.

L'organisation reproche enfin la non-inclusion dans la compétence des gacaca des crimes qui auraient été commis en 1994 par des éléments de l'ancienne rébellion du Front patriotique rwandais (FPR) actuellement au pouvoir.

Inspirées de la tradition rwandaise, les gacaca, où siègent des personnes élues par leur communauté pour leur intégrité, ont compétence pour juger les auteurs présumés du génocide à l'exception des planificateurs aux niveaux national et préfectoral. Ces tribunaux doivent clore leurs activités en décembre prochain.