Le président burkinabé Blaise Compaoré a nommé un nouveau Premier ministre sans expérience ministérielle qui va avoir dès mardi la lourde tâche de tenter de ramener le calme dans un pays frappé par des mutineries de soldats et de multiples manifestations populaires.

Avec le gouvernement qu'il doit encore former, ce nouveau Premier ministre, Luc-Adolphe Tiao, 56 ans, ambassadeur du Burkina à Paris, va essayer de mettre fin à la colère de toutes les couches de la population qui durent depuis février et se sont intensifiées depuis la fin de la semaine dernière.

Le calme était cependant revenu dans les principaux foyers de contestation mardi, en dépit de nouveaux tirs de soldats dans la nuit de lundi à mardi à Gorom-Gorom, dans l'extrême-nord du pays, près de la frontière malienne.M. Tiao a été nommé lundi soir par décret en remplacement de Tertius Zongo, dont le gouvernement avait été dissous vendredi au lendemain d'une mutinerie au sein de la propre garde présidentielle du chef de l'État.

Ce journaliste de formation, ancien directeur du quotidien d'État Sidwaya et président du Conseil supérieur de la communication, n'avait jamais occupé de poste ministériel auparavant, ce qui est considéré comme un handicap par l'opposition.

«La question est de savoir s'il peut résoudre cette crise, moi je crois que non. Ce n'est pas un problème de compétence technique. Nous sommes dans une crise politique et structurelle et Blaise (Compaoré) doit se convaincre de ce que le peuple n'a vraiment plus besoin de lui», a déclaré à l'AFP le principal opposant, Bénéwendé Sankara.

«C'est un nouveau venu en politique. Il n'est ni technocrate, ni politique. J'espère qu'il aura l'étoffe nécessaire pour faire face aux problèmes qui se posent dans l'immédiat et qui ne sont pas simples», a pour sa part déclaré Philippe Ouédraogo, chef du Parti africain de l'indépendance (PAI, opposition).

«Son manque de connexion avec le monde politique sera un handicap. Dans une situation comme celle-là, il faut avoir un homme de dialogue qui peut avoir la confiance de la classe politique», a-t-il ajouté.

Le PAI compte un seul député sur les 111 élus à l'Assemblée nationale (74 pour le parti au pouvoir).

M. Tiao, qui n'a pas encore fait de déclaration publique, prend ses fonctions au moment où le calme semblait revenir mardi dans la capitale Ouagadougou, ainsi qu'à Pô (sud), Tenkodogo (est) et Kaya (nord).

Ces villes ont été dès jeudi soir le théâtre des mutineries de soldats, marquées par des tirs en l'air en pleine rue et de nombreux pillages de magasins.

À Koudougou (centre-ouest) où des jeunes avaient violemment manifesté lundi, incendiant le siège local du parti au pouvoir, une résidence de l'ex-Premier ministre Zongo, ainsi que le domicile du proviseur du principal lycée de la ville, le calme était également revenu mardi.

Les manifestants réclamaient en particulier la lumière sur la mort d'un élève, Justin Zongo, le 20 février, lors d'une manifestation dans cette ville. Ses proches avaient accusé la police d'être à l'origine de sa mort, les autorités affirmant qu'il était décédé d'une méningite.

Son décès a déclenché la vague de contestations multiples qui a suivi pendant deux mois et qui a fait au moins six morts, une cinquantaine de blessés et des dégâts matériels considérables.

Cette crise est la plus grave à laquelle doit faire face le président Compaoré, un militaire arrivé au pouvoir en 1987 par un coup d'État, élu et réélu depuis à quatre reprises avec plus de 80% des voix.

Pour tenter de la désamorcer, il avait annoncé dès vendredi la dissolution du gouvernement, le remplacement des principaux chefs de l'armée et l'instauration d'un couvre-feu à Ouagadougou, toujours en vigueur.