Le président ivoirien sortant Laurent Gbagbo, 65 ans, arrêté lundi à Abidjan selon l'ambassadeur de France, s'est accroché au pouvoir, en refusant obstinément de reconnaître la victoire d'Alassane Ouattara, jusqu'à plonger son pays dans la guerre.

Il était retranché dans un bunker depuis le 1er avril, sous le feu de l'ONU et de la France. Il a été transféré lundi avec son épouse Simone, à l'hôtel du Golf, la résidence d'Alassane Ouattara, qui avait remporté la présidentielle du 28 novembre 2010, selon la communauté internationale.

Animal politique doté d'une volonté de fer, il a donc longtemps tenu tête, comme tout au long de la crise.

«Si je reconnaissais la victoire de Ouattara, ça se saurait», avait-il lâché le 5 avril après l'offensive éclair des forecs de Ouattara, sur la chaîne LCI, jugeant «absolument ahurissant que la vie d'un pays se joue sur un coup de poker de capitales étrangères».

L'ex-opposant restait cependant acculé, n'ayant pu résister à l'offensive des combattants pro-Ouattara et surtout aux frappes de l'ONU et de la France, l'ex-puissance coloniale qu'il pourfend au nom d'une «seconde indépendance».

Il aura aux yeux de ses adversaires tout fait pour repousser, cinq ans durant, une élection qui l'a finalement conduit, et le pays avec lui, dans l'abîme.

Le 3 décembre, le Conseil constitutionnel, qui lui est acquis, a ouvert la plus grave crise de l'histoire du pays en proclamant M. Gbagbo réélu avec 51,45% des suffrages au scrutin du 28 novembre. Le Conseil venait d'invalider les résultats de la commission électorale, certifiés par l'ONU, donnant M. Ouattara vainqueur (54,1%).

Tribun aimant à se présenter en homme du peuple, M. Gbagbo cache sous des airs bonhommes et ses éternelles chemises aux tissus africains une énergie féroce.

En 2002, face à une rébellion derrière laquelle il voit la main d'un certain Alassane Ouattara, ex-Premier ministre, il parvient à se maintenir mais ne conserve que le sud de la Côte d'Ivoire.

Il a beaucoup appris de ses longues années d'opposition au «père de la Nation», le président Félix Houphouët-Boigny (mort en 1993), longtemps premier relais de la France en Afrique subsaharienne.

Né le 31 mai 1945, cet historien de formation irrite rapidement le pouvoir par son activisme syndical.

Incorporé de force, emprisonné, il s'exile en France dans les années 1980, après avoir fondé clandestinement le Front populaire ivoirien (FPI).

Membre de l'ethnie bété (ouest), exclue du partage traditionnel du pouvoir, il se lance ouvertement en politique en 1990, à l'instauration du multipartisme.

Son heure arrive le 26 octobre 2000 quand il accède à la présidence, dans des conditions de son propre aveu «calamiteuses», à l'issue d'un scrutin dont ont été exclus l'ex-chef de l'Etat Henri Konan Bédié et Alassane Ouattara.

Politicien habile pour les uns, «roublard» pour les autres, il parvient, contre les rebelles, l'opposition et une communauté internationale emmenée par la France, à garder son fauteuil. Il sait s'appuyer sur ses jeunes partisans, les «patriotes», qui enflamment à l'occasion la rue.

En novembre 2004, il échoue à reconquérir militairement le nord mais se pose en héros de la fierté africaine, face à la France qui vient de détruire son aviation après le bombardement meurtrier d'une position française.

Signataire avec les rebelles de Guillaume Soro d'un accord de paix en 2007, il se lance dans la bataille de la présidentielle et retrouve au second tour Alassane Ouattara, qui devra engager une opération militaire pour le chasser du palais présidentiel.

S'il s'est uni par un mariage coutumier à Nady Bamba, une ex-journaliste, «Laurent», qui affiche sa foi chrétienne évangélique, forme un duo explosif avec la Première dame, la très fervente Simone, faucon de son régime.

C'est avec Simone et d'autres membres de sa famille qu'il a passé les dernières heures de son règne, selon l'ONU dans un bunker au sous-sol de sa résidence.

«Le temps est l'autre nom de Dieu», aime à dire ce fin tacticien. Mais défait militairement après avoir été isolé diplomatiquement et asphyxié économiquement, le temps a pour la première fois joué contre lui.