La position du pape Benoît XVI justifiant l'usage du préservatif «dans certains cas» est saluée en Afrique comme «un grand pas» par des ONG de lutte contre le sida, mais l'église catholique s'inquiète d'une altération des propos du pape.

Dans un livre d'entretiens Lumière du monde qui sort mardi en Allemagne et en Italie, le pape admet pour la première fois l'utilisation du préservatif «dans certains cas», «pour réduire les risques de contamination» du virus du sida.

«C'est un grand pas (...). L'Église a accepté (le fait) que le préservatif est un outil nécessaire dans la lutte contre le sida mais nous attendons que cette évolution dans le discours soit matérialisée dans les actes», commente Fogué Foguito, président de Positive-Generation, une ONG camerounaise de lutte contre le sida.

«Les propos du pape vont aider à réduire la pandémie dans le cadre de la prévention», estime Youssouf Bamba, responsable du réseau des professionnels des médias, des arts et des sports engagés dans la lutte contre le sida en Côte d'Ivoire (Repmasci).

«On sera plus à l'aise pour aborder la question à l'église. Jusque-là, il nous était difficile de développer une stratégie de lutte par rapport à la question», ajoute-il, alors que 17,77% des habitants du continent sont catholiques, selon le Vatican.

Jane Mcochudho, administratrice de l'ONG Women fighting against Aids in Kenya (WOFAK), juge aussi que la position du pape «aidera à lutter contre la maladie», en souhaitant que ce message soit bien relayé par les médias locaux.

«On ne peut pas élaborer un seul programme de lutte ou de prévention du sida sans penser aux préservatifs. Le préservatif, c'est notre principale arme de la prévention», affirme le Dr William Poaty, du Conseil national de lutte contre le sida (CNLS) au Congo.

Pour Caroline Nenguke, de la Campagne pour le traitement du sida (Treatment Action Campaign, TAC), principal groupe de pression sur le sujet en Afrique du Sud, le pays le plus touché au monde par l'épidémie, le pape étant un leader du monde, «même pour ceux qui ne (le) suivent pas», sa déclaration est «très importante, même s'il doit encore faire plus».

«C'est une bonne nouvelle (...) qu'une autorité religieuse mondiale pareille fasse une telle déclaration! Je parlerais d'avancée notable», estime également  Madické Diagne, de l'ONG sénégalaise Alliance nationale contre le Sida (ANCS), à Dakar.

Toutefois des responsables locaux de l'Église catholique s'inquiètent d'une mauvaise interprétation selon eux du message du pape, comme l'avait déjà souligné le Vatican.

«La pensée du pape n'est pas toujours facile à saisir et je crois que certaines personnes ont mal compris son message (...) Le message n'encourage pas la fornication», dit Mgr John Katende, de l'église catholique ougandaise.

«Le pape ne ferait jamais la promotion du préservatif. Il promeut seulement la moral et des valeurs», ajoute-il.

«Le Saint-Père a simplement dit que le préservatif pouvait être utilisé par les prostitués à cause du risque. Je crois que les médias essayent d'altérer ses propos», insiste le père Matthew Hassan, ancien secrétaire général de l'église catholique nigériane.