Le dirigeant par intérim de la junte en Guinée, le général Sékouba Konaté, s'est engagé mercredi à favoriser la tenue d'élections «le plus tôt possible» et a prôné «la réconciliation» des Guinéens meurtris par les violences, un an, jour pour jour, après la prise du pouvoir par l'armée.

Cet anniversaire a été fêté uniquement dans les casernes, au moment où les pressions internationales s'accentuent sur le régime militaire, accusé de crimes contre l'humanité par l'ONU. Devant les corps d'armée réunis au camp militaire Alpha Yaya Diallo, le ministre de la Défense, Sékouba Konaté, a prononcé un discours d'apaisement.

«Notre préoccupation à tous demeure de conduire - le plus tôt possible et dans la confiance entre les différents acteurs de la paix sociale - (la Guinée) aux élections, les premières libres et démocratiques de notre histoire», a assuré le général.

Il s'exprimait en l'absence du numéro un du régime, le capitaine Moussa Dadis Camara, que la population n'a pas revu ni entendu depuis qu'il a été blessé par son aide de camp, qui a ouvert le feu sur lui le 3 décembre.

Il a également appelé au «pardon» et à «l'indispensable réconciliation», près de trois mois après le massacre d'opposants par les forces de sécurité.

Le chef de l'État par intérim réagissait pour la première fois à la publication du rapport de la commission internationale d'enquête de l'ONU sur la répression du 28 septembre à Conakry (au moins «156 morts ou disparus», «109 femmes» victimes de violences sexuelles). Ce rapport soulignait la «responsabilité pénale individuelle» de plusieurs responsables guinéens, dont Moussa Dadis Camara.

Le général Konaté - absent de Conakry le jour du massacre - a évoqué ceux qui «ont perdu la vie, souffert dans leur chair, été touchés dans leur honneur et leur dignité» et a dit comprendre «la douleur et la colère» des familles.

S'il n'a pas véritablement demandé pardon pour cette répression sanglante, il a appelé chacun à «puiser en lui la force du pardon».

Quant au capitaine Camara, il reste hospitalisé à Rabat et les autorités ne cessent de diffuser le même message officiel: «Il va mieux et a l'intention de retourner le plus vite possible à Conakry». Mais, un ministre aurait récemment confié que le capitaine Camara était, en fait, dans «un état assez déplorable», selon un proche de la junte.

Mardi, le ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, était allé jusqu'à souhaiter que «M. Dadis Camara reste dans son lit au Maroc» et ne revienne pas en Guinée. «Il serait capable - rien que son retour - de déclencher une guerre civile et on n'en a pas besoin», avait lancé M. Kouchner.

La réaction du ministre guinéen des Affaires étrangères, Alexandre Cécé Loua, a été cinglante, 51 ans après l'indépendance de l'ex-colonie française. Il a dénoncé, mercredi, «une immixtion inacceptable qui porte atteinte à tout ce que le peuple (guinéen) a de plus cher: sa dignité».

«M. Kouchner va-t-il mettre en oeuvre son plan B consistant à préparer le déclenchement d'une guerre civile?», a interrogé M. Cécé Loua, avant d'affirmer: «les Guinéens refusent que la Guinée soit un nouveau Rwanda ou un futur Kosovo».

Le 23 décembre 2008, le coup d'État s'était fait sans violences, suscitant même une liesse populaire, quelques heures après l'annonce officielle du décès du général-président de 74 ans, Lansana Conté, au pouvoir depuis 24 ans.

Mais, un an plus tard, la Guinée est plongée dans le marasme, les manifestations de rue sont interdites et la plupart des leaders de l'opposition restent réfugiés à l'étranger.

Mardi, l'Union européenne (UE) a décidé de durcir ses sanctions à l'encontre de la junte, en imposant notamment «un gel de tous les fonds et ressources économiques qui appartiennent» à ses membres.