Une quinzaine de chefs d'Etat, dont le français Nicolas Sarkozy, ont assisté mardi à Libreville aux obsèques solennelles du président gabonais Omar Bongo, symbole de la «Françafrique» après 41 ans au pouvoir et dont la succession attise les luttes en coulisses.

Après une minute de silence, les invités étrangers, parmi lesquels figuraient la plupart des présidents de l'Afrique francophone mais aussi l'ex-chef de l'Etat français Jacques Chirac, se sont inclinés à tour de rôle devant le cercueil recouvert par le drapeau du Gabon.

La cérémonie a été précédée d'un bref incident lorsque la France a été prise à partie à l'arrivée au palais de Nicolas Sarkozy, auquel plusieurs dizaines de Gabonais ont lancé: «On ne veut plus de vous, partez!"

A l'intérieur du palais, Nicolas Sarkozy et son prédécesseur Jacques Chirac ont ensuite été applaudis lorsqu'ils ont déposé, ensemble, une gerbe de fleurs devant le cercueil.

Toute la classe politique gabonaise et la famille Bongo, des représentants d'institutions internationales et nombre de figures de la «Françafrique» ont rendu hommage à Omar Bongo Ondimba, dont le décès à 73 ans, en Espagne où il était hospitalisé, a été annoncé le 8 juin.

Après un culte oecuménique, quelques personnalités gabonaises ont prononcé des oraisons funèbres très attendues dans le climat tendu de la succession.

Jusqu'ici, la voie constitutionnelle a été respectée: l'intérim à la tête de l'Etat a été confié à la présidente du Sénat Rose Francine Rogombé, chargée d'organiser un scrutin présidentiel 45 jours au plus tard après sa prise de fonctions intervenue le 10 juin.

Mais en coulisses, les tractations vont bon train et le parti présidentiel peine à s'accorder sur un candidat. Selon des sources proches du pouvoir, Ali Ben Bongo, ministre de la Défense et fils du défunt, souhaite s'imposer comme successeur, une solution qui provoque des résistances au sein même du régime.

Parlant au nom de la famille, Ali Bongo s'est engagé dans son oraison funèbre à perpétuer l'héritage paternel.

 «Nous, tes enfants, ta famille, prenons l'engagement solennel de garder allumée avec l'aide de nos concitoyens la flamme sacrée de l'harmonie familiale, de la concorde républicaine et de l'unité nationale», a-t-il lancé, essuyant une larme.

«La Constitution, rien que la Constitution», a affirmé de son côté le Premier ministre Jean Eyeghé Ndong, qui accuse, selon des sources concordantes, Ali Bongo de vouloir passer en force sans respecter la Loi fondamentale.

Un défilé militaire devait ensuite commencer sur le bord de mer devant des milliers de Gabonais.

«Papa Bongo Ondimba, les Gabonais te pleurent», scandait en boucle, avant la cérémonie, une chanson diffusée dans la cour de l'imposant palais présidentiel. Après 41 ans, le nom du président finissait par se confondre avec celui de son pays - parfois surnommé «Bongoland».

Un important dispositif militaire était déployé dans la capitale de ce pays pétrolier d'Afrique équatoriale, placardée d'affiches géantes promettant: «Gloire éternelle à notre regretté président».

Des affiches à l'image de l'hommage grandiose que les autorités ont voulu organiser une semaine durant, jusqu'à l'inhumation prévue jeudi dans la région natale d'Omar Bongo dans le sud-est du Gabon, où le cercueil devait s'envoler mardi après-midi.

Le doyen des chefs d'Etat africains, médiateur dans de nombreuses crises continentales, était aussi décrié pour la mauvaise gestion de la manne pétrolière. La pauvreté demeure criante au Gabon, malgré ses richesses.

Omar Bongo était également un symbole de la «Françafrique», cette relation ambiguë entre Paris et ses ex-colonies.

La société civile gabonaise a ainsi mis en garde contre «toute interférence» étrangère dans le processus de succession.