Depuis le début du mois, les rumeurs allaient bon train. Des reportages ont raconté comment des membres de l'aile jeunesse de la ZANU-PF, le parti de Robert Mugabe, ont sollicité des dons pour offrir au président autre chose que le «mealie meal», la bouillie de maïs, aliment de base que bon nombre de Zimbabwéens n'arrivent même plus à se payer.

La liste d'épicerie pour la fête, détaillée dans le quotidien britannique The Times, était étourdissante: 2000 bouteilles de champagne, 8000 homards, 100 kg de grosses crevettes, 4000 portions de caviar, 8000 boîtes de Ferrero Rocher, 3000 canards...

 

Mais la campagne de financement n'a pas eu le résultat escompté, a rapporté le Times cette semaine. Crise économique? Évidemment, mais crise politique également. Mugabe et ses partisans font moins peur, d'autant plus qu'ils doivent désormais partager le pouvoir avec le parti du Mouvement pour un changement démocratique, du premier ministre Morgan Tsvangirai. Une première depuis la nomination de Mugabe au poste de président, en 1987.

L'an dernier, les messages de félicitations publiés dans le journal The Herald, propriété du gouvernement, couvraient 16 pages. Cette année, cinq pages à peine ont suffi pour publier tous les voeux. Plusieurs des ministères et sociétés d'État qui avaient contribué l'an dernier sont maintenant dirigés par l'équipe Tsvangirai, note le Times.

La situation se dégrade

«Alors que Mugabe fête son 85e anniversaire au Zimbabwe, un enfant sur 10 mourra avant d'avoir fêté son cinquième anniversaire», a dénoncé l'organisme Save the Children la semaine dernière. «La plupart de leurs mères n'atteindront même pas la moitié de l'âge du président.»

La situation n'a pourtant pas toujours été aussi grave dans l'ancienne Rhodésie. L'espérance de vie est passée de 60 ans en 1990, à 36 ans aujourd'hui. L'Organisation mondiale de la santé a confirmé en janvier que l'épidémie de choléra était «loin d'être sous contrôle». Le sida fait des ravages. Avec la crise alimentaire, plus de la moitié des habitants dépendent de l'aide humanitaire.

Et la crise politique qui secoue le pays depuis les élections controversées de 2008 n'arrange pas les choses. La coalition, que M. Mugabe a accepté de former en début d'année avec l'opposition, est malmenée. Le ministre de l'Agriculture, Roy Bennett, membre du parti de M. Tsvangirai, a été arrêté et emprisonné le jour de la prestation de serment du nouveau gouvernement. M. Bennett, ancien fermier blanc évincé par le ZANU-PF et revenu d'exil en Afrique du Sud, a été emprisonné sous des accusations de terrorisme et possession illégale d'armes.

Mugabe et ses partisans sont peut-être affaiblis, mais ils n'ont pas dit leur dernier mot. Alors que des partisans du ZANU-PF ont recommencé à occuper les fermes des Blancs, d'autres hauts dirigeants profitent encore de leur statut. La vice-présidente Joyce Mujuru, proche de Mugabe, a tenté de vendre quelque 3600 kg d'or à un courtier anglais, a révélé la BBC cette semaine. Mme Mujuru avait utilisé des intermédiaires pour conclure la transaction, mais l'enquête du courtier a permis de découvrir la véritable identité de la cliente. Or, le nom de Mme Mujuru, qui a fait fortune dans les mines, figure sur une liste de 200 noms de Zimbabwéens frappés de sanctions européennes pour abus des droits de l'homme. La transaction n'a pas eu lieu.