Le pasteur Samuel Gibau marche au milieu des décombres de l'église de Kiambaa, un hameau de 1000 âmes isolé à quelques kilomètres d'Eldoret. Il ne reste que les fondations du bâtiment en terre et en bois, où 35 villageois de l'ethnie Kikuyu ont été brûlés vif au cours des violences postélectorales de l'an dernier.

Le pasteur Samuel Gibau marche au milieu des décombres de l'église de Kiambaa, un hameau de 1000 âmes isolé à quelques kilomètres d'Eldoret. Il ne reste que les fondations du bâtiment en terre et en bois, où 35 villageois de l'ethnie Kikuyu ont été brûlés vif au cours des violences postélectorales de l'an dernier.

«Quand les villageois ont entendu dire que des agresseurs s'en venaient, ils ont eu le réflexe de se réfugier dans l'église. Ils ne croyaient pas qu'on attaquerait un lieu de culte», raconte le pasteur Gibau, qui connaissait la plupart des victimes du carnage, dont plusieurs femmes et enfants.

La tragédie est survenue au matin du 1er janvier 2008, tout juste après les élections. Un groupe d'assaillants, des Kalenjins du village et des environs, a encerclé l'église avant de l'asperger d'essence.

Quelques hommes du village ont offert une résistance et des combats sanglants à coup de roches, de bâtons, de flèches ont éclaté.

Des signes de tension transpiraient dans le village quelques jours avant le drame. «On nous avait prévenus que si le président était réélu, il y aurait des sanctions», laisse tomber le pasteur, qui n'aurait jamais imaginé une telle réaction.

 

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Le voisin immédiat de l'église, Joseph Ngauiya, bricole dans sa cour. Comme une poignée de villageois, il est revenu chez lui pour reconstruire sa maison, après une année passée dans un camp de réfugiés.

Il vit avec sa famille dans le petit poulailler, qui a tenu le coup durant les violences.

Un lit en bois, quelques couvertures, pas d'électricité, quelques casseroles, un endroit pour faire du feu et des nuages de mouches.

 

Plusieurs membres de la famille de Joseph Ngauiya se trouvaient à l'intérieur de l'église lorsqu'elle s'est embrasée. «J'ai couru à l'intérieur et j'ai sorti cinq personnes par la fenêtre, dont ma fille. J'ai ensuite déguerpi pour sauver ma peau», explique l'homme de 35 ans.Il a ensuite été battu puis laissé pour mort par les assaillants. Il en conserve plusieurs cicatrices au visage. «Des policiers sont finalement arrivés et ont commencé à tirer. Les Kalenjins se sont évanouis dans les champs.»

Devant les ruines de sa propriété, il s'explique toujours mal le comportement des agresseurs, dont son voisin d'en face. «On s'entendait pourtant bien depuis toujours, nos enfants jouaient ensemble», souligne M. Ngauiya. «Ça va être long avant de pardonner», prévient-il.

Joseph donne aussi un coup de pouce au pasteur pour reconstruire l'église du village, en hommage aux victimes. «Pour ne jamais oublier», résume le père de famille.

Ses enfants n'oublieront certainement jamais. Cynthia, 12 ans, se trouvait dans l'église en flammes avant que son père ne vole à son secours. «J'ai crié sans arrêt. Une de mes amies était en feu. Je la revoie encore brûler», raconte-t-elle. Sa soeur cadette, Viona avait six ans à l'époque. Elle se souvient d'avoir vu des corps éparpillés devant sa porte.

Juste en face de chez Joseph se trouve la propriété d'Helen Rono. Celle-ci est avachie seule sur une couverture dans la cour. Sa résidence est une des rares à avoir été épargnée par les violences.

Normal, puisque la femme de 54 ans et sa famille sont des Kalenjins.

Il y a quelques mois, son mari a été jeté en prison pour son rôle dans les événements. Entre autres pour avoir mis le feu à la maison de Joseph. «Il est innocent. Comment aurait-il pu s'en prendre à ses propres voisins», plaide cette mère de sept enfants.

En attendant son procès, elle le visite en prison. «Lorsque j'ai un peu d'argent, je lui apporte du savon. Il n'y en a pas en prison.» Au bout du chemin, on aperçoit les enfants d'Helen. Ils s'amusent avec ceux de Joseph.

Photo: Robert Skinner, La Presse

Ce jeune homme s'est enfui de l'église pentecotiste Assemly of God mais a subi d'importantes brûlures. Un foule a brûlé l'église en tuant 35 personnes qui s'étaient réfugiées à l'intérieur. Joseph et sa famille ont réussi à s'enfuir.