Menacés par des mitraillettes, ils soignaient néanmoins leurs ravisseurs, tout en tentant d'apprendre leur langue: enfin libérés, des marins ukrainiens racontent leur captivité entre les mains de pirates somaliens.

Le MV Faina, transportant des chars et d'autres armes, intercepté par des pirates le 25 septembre 2008 au large de la Somalie, a été relâché le 5 février en échange d'une rançon de 3,2 millions de dollars.«On a été attaqué par une vingtaine d'hommes dans quatre canots très rapides. Ils ont tiré, d'abord en l'air, ensuite sur le bateau», racontait Olexandre Prisoukha, un assistant du capitaine, peu après sa libération et avant de quitter Mombasa pour l'Ukraine dans la nuit de jeudi à vendredi.

Le second Viktor Nikolski, devenu commandant du navire après le décès de son prédécesseur d'une crise d'hypertension, avait alors tenté en vain de manoeuvrer pour échapper aux pirates.

«Ils ont mis une mitraillette contre sa tempe et lui ont dit: "des gens pouvaient mourir à cause de tes manoeuvres. Maintenant, c'est à toi de mourir"», se souvient M. Prisoukha, un barbu énergique aux cheveux gris.

Si ces menaces n'ont pas été mises à exécution, elles se sont répétées tout au long de la détention: «On semblait si proche de la mort que nous avons fait quatre fois nos adieux à Viktor».

Les 21 membres de l'équipage ont aussi été dépouillés de tout ce qui était précieux: argent, téléphones, ordinateurs portables. Puis, 17 d'entre eux ont été enfermés dans une petite cabine où ils passeront l'essentiel de leur captivité.

«On pensait qu'on serait libéré rapidement, la cargaison étant militaire et appartenant à l'Etat ukrainien», se souvient M. Prisoukha.

«Le premier mois, il y avait beaucoup de conflits, je voulais les hacher de mes propres mains», raconte Olexandre. «Ensuite leur attitude s'est améliorée. Mais dès que les négociations sur la rançon étaient dans l'impasse, tout s'arrêtait et ils braquaient leurs mitraillettes sur nous».

Un bateau de guerre américain se trouvait en permanence à proximité du Faina et était en contact avec les pirates, un signe qui rassurait les otages. Mais un jour, le commandant américain a empêché les ravisseurs d'apporter à bord du navire ukrainien une drogue qu'ils avaient l'habitude de mâcher.

«Ce fut le pire moment. Ils nous ont poussés tous dans une cabine, nous ont privés d'eau et de nourriture, ils nous humiliaient et menaçaient de nous fusiller», se souvient Olexi Kharkhaloup, un mécanicien.

Mais petit à petit, la situation s'est détendue.

Pour calmer ses subordonnés, un chef des ravisseurs a affiché une liste d'amendes : «500 dollars pour détérioration de biens du navire, 1000 dollars pour une rixe entre pirates», énumère M. Prisoukha.

Et comme seuls deux pirates parlaient anglais, c'est l'équipage qui a pris l'initiative d'apprendre quelques rudiments de la langue somalienne pour communiquer.

«Cela a beaucoup plu aux pirates. On a appris une soixantaine de mots», explique M. Prisoukha, qui était chargé des soins médicaux sur la bateau, soignant dès lors aussi ses ravisseurs.

«Ils sont comme des enfants, mais munis de Kalachnikov. Dès que quelqu'un se coupait un doigt il arrivait en courant pour se le faire panser», rit-il, racontant aussi avoir soigné la malaria et des maladies vénériennes.

Au deuxième mois de la captivité, les Somaliens ont finalement apporté de la nourriture, essentiellement du riz et des pâtes.

Mais ces repas étaient loin d'être copieux. «Je pesais 110 kilogrammes, maintenant plus que 85 kg. Si une femme veut garder la ligne, qu'elle voyage avec le Faina», sourit M. Prisoukha.