Après des mois d'un duel sans merci entre le président Robert Mugabe et Morgan Tsvangirai, le nouveau gouvernement d'union au Zimbabwe a prêté serment vendredi lors d'une cérémonie historique ternie par l'arrestation d'un responsable de l'ex-opposition, désigné comme ministre.

L'ancien député blanc Roy Bennett, vice-ministre désigné de l'Agriculture, a été interpellé par la police dans un petit aéroport de la banlieue de Harare, a indiqué son parti, le Mouvement pour le changement démocratique (MDC) de Morgan Tsvangirai.Cet ancien fermier blanc, expulsé de sa ferme en 2003, était rentré en janvier au Zimbabwe après trois ans en Afrique du Sud, où il avait fui une accusation de complot contre le président Mugabe.

Malgré son interpellation, les nouveaux ministres du gouvernement d'union, à l'exception de M. Bennett, ont prêté serment devant le chef de l'Etat, qui a affirmé être déterminé à travailler avec la nouvelle équipe.

«Quand je dis que je veux travailler avec vous sincèrement et honnêtement, je le pense», a-t-il lancé. «Il faut que l'on apprenne à se connaître. Quand on se connaît (...) on apprend à avoir foi et confiance», a poursuivi M. Mugabe, qui aura 85 ans le 21 février et dirige le pays depuis l'indépendance en 1980.

Mercredi, il avait déjà tendu «la main de la coopération» à ses anciens adversaires, juste après avoir investi comme premier ministre M. Tsvangirai.

Les deux hommes ont convenu en septembre de partager le pouvoir pour sortir de l'impasse née de la déroute du régime lors des élections générales du 29 mars.

C'est dans ce contexte, et après d'âpres négociations, qu'ils ont formé vendredi un gouvernement avec des membres du parti présidentiel, l'Union nationale africaine du Zimbabwe-Front patriotique (Zanu-PF) et du MDC.

Malgré ses déclarations de bonne intention, le président Mugabe a retenu pour cette coalition des faucons de son ancienne équipe.

Emmerson Mnangagwa, considéré comme son possible successeur, passe ainsi du Logement rural à la Défense. Il dirigeait les services de sécurité au moment du massacre de près de 20.000 opposants présumés dans la province du Matabeleland dans les années 1980.

La Zanu-PF conserve également le ministère de la Sécurité nationale et de la Justice, gardant ainsi la mainmise sur l'appareil sécuritaire, à l'exception du portefeuille de l'Intérieur, divisé entre deux co-ministres de chaque camp.

De son côté, M. Tsvangirai a également choisi de s'entourer de proches. Parmi eux, le secrétaire général du MDC, Tendai Biti, hérite du ministère des Finances.

Il aura pour mission de ressusciter une économie moribonde: hyperinflation de plusieurs milliards pour cent, taux de chômage de 94%, production au point mort et infrastructures en ruine.

Pour ce faire, il lui faudra convaincre la communauté internationale d'apporter une aide substantielle, qu'une crise humanitaire sans précédent rend d'autant plus urgente.

Une épidémie de choléra a fait plus de 3.500 morts depuis août, près de la moitié de la population dépend de l'aide alimentaire et 1,3 million de séropositifs sont condamnés à mort faute d'antirétroviraux.

Mais l'Occident a déjà exprimé ses doutes sur la viabilité du nouveau gouvernement.

Le premier ministre français, François Fillon, a fait savoir jeudi soir qu'il serait attentif à la liberté d'action de M. Tsvangirai, tandis que son homologue britannique, Gordon Brown, a dit craindre «que le président Mugabe ne se mette en travers des changements».