Stephen M. Walt, professeur en relations internationales à l'université d'Harvard, s'est posé cette question après avoir lu la chronique que signait Thomas Friedman dans le New York Times dimanche dernier. Avant de donner sa réponse, je cite un extrait du billet qu'il consacre à ce sujet sur son blogue (on trouve ici une traduction en français) :

Tom Friedman a écrit une chronique particulièrement stupide dimanche 29 novembre dans les colonnes New York Times, ce qui n'est pas peu dire étant donné sa tendance à l'arrogance et à la suffisance. Selon Friedman, la grande difficulté à laquelle nous sommes confrontés dans le monde arabe et islamique est «le Narratif», le terme condescendant qu'il utilise pour parler du prétendu rôle négatif que jouent les États-Unis dans la région. Selon lui, si les musulmans n'étaient pas aussi irrationnels, ils reconnaitraient que «la politique étrangère américaine a été en grande partie dédiée à sauver les musulmans ou à essayer de les libérer de la tyrannie». Il admet que nous avons fait quelques erreurs ici et là (comme Abu Ghraib par exemple), mais le vrai problème, ce sont toutes ces fables anti-américaines que les musulmans se racontent entre eux pour éviter d'assumer leurs propres actions.

Et voici la réponse de Walt, qui dit avoir sélectionné les estimations les plus basses pour les victimes musulmanes : 288 000 (voir tableau ci-dessous). Tout en énumérant les réserves qui s'imposent - les États-Unis ne sont pas les seuls responsables pour certaines de ces victimes, par exemple -, l'universitaire ajoute :

Et pourtant, si vous voulez vraiment savoir «pourquoi ils nous haïssent», vous ne pouvez ignorer les chiffres présentés ci-dessus. Même si vous prenez ces statistiques avec scepticisme et baissez les chiffres de beaucoup, il n'en reste pas moins que les États-Unis ont tué un nombre important d'arabes ou de musulmans individuels au cours des trois dernières décennies. Malgré le fait que nous avions une cause juste et de bonnes intentions dans certains cas (comme lors de la première guerre du golfe), nos actions étaient indéfendables (et même peut-être criminelles) dans d'autres.

Il est également frappant de voir que pratiquement tous les morts musulmans ont été la conséquence directe ou indirecte du gouvernement officiel américain. Au contraire, la plupart des Américains tués par des musulmans ont été victimes de terroristes non-gouvernementaux comme Al-Qaeda ou les insurgés en Irak et en Afghanistan.

(Photo Reuters)