Les efforts de magnats miniers canadiens pour acquérir des gisements d'uranium au Kazakhstan et aux États-Unis ont mené à l'acquisition de leur compagnie par une société d'État russe. Au cours de la même période, ces investisseurs ont donné des millions de dollars à la Fondation Clinton alors que la secrétaire d'État américaine Hillary Clinton avait un mot à dire dans l'approbation de l'offre d'achat russe.

Le New York Times raconte cette histoire ce matin dans un texte publié sur son site et tiré en partie du livre Clinton Cash auquel j'ai consacré ce billet il y a deux jours. Tentons de démêler l'écheveau de cette affaire compliquée en se servant d'une chronologie établie par le Times :

Septembre 2005 : Frank Giustra, magnat minier canadien, conclut un accord majeur avec le Kazakhstan qui donne accès à sa compagnie, UrAsia, à l'uranium de ce pays peu respectueux des droits humains après l'avoir visité en compagnie de l'ancien président américain Bill Clinton.

2006 : Giustra donne 31,3 millions de dollars à la Fondation Clinton.

Février 2007 : UrAsia fusionne avec une société minière sud-africaine, Uranium One, et adopte son nom. Au cours des deux mois suivants, la nouvelle société acquiert des gisements d'uranium en territoire américain.

Juin 2008 : Début des négociations devant mener à des investissements de la société d'énergie atomique russe Rosatom dans Uranium One.

2008-2010 : Giustra et un autre magnat minier canadien, Ian Telfer, sont au nombre des investisseurs d'Uranium One et des anciens investisseurs d'UrAsia qui donnent 8,5 millions de dollars à la Fondation Clinton. Ils sont susceptibles de profiter de l'acquisition d'Uranium One par Rosatom.

Juin 2009 : Une filiale de Rosatom acquiert 17% d'Uranium One.

2010-2011 : Des investisseurs miniers donnent plusieurs autres millions à la Fondation Clinton.

Juin 2010 : Rosatom annonce son intention de devenir propriétaire majoritaire d'Uranium One, dépendamment du feu vert de la Commission sur les investissements étrangers des États-Unis, dont le département d'État américain est membre.

29 juin 2010 : Bill Clinton reçoit 500 000$ pour une conférence à Moscou payée par une banque russe liée au Kremlin et responsable de la recommandation d'achat d'Uranium One.

Octobre 2010 : Rosatom reçoit l'approbation de la Commission sur les investissements étrangers des États-Unis et devient propriétaire majoritaire d'Uranium One.

Énumérons les faits incontestables de cette histoire : 1) Grâce au rachat d'Uranium One, Rosatom est devenu l'un des plus importants producteurs d'uranium au monde et la Russie s'est approchée du contrôle de la chaîne d'approvisionnement mondial en uranium; 2) au moment où Rosatom s'est porté acquéreur de mines d'uranium aux États-Unis, les relations américano-russes n'étaient pas aussi exécrables qu'elles le sont aujourd'hui; 3) les investisseurs miniers canadiens ont donné de l'argent à la Fondation Clinton dans le but de se gagner des alliés bien placés pour promouvoir leurs intérêts (impossible de croire à leurs prétentions contraires); la Fondation Clinton n'a pas dévoilé tous les dons versés par les magnats miniers canadiens.

Le reste, qui touche à la question explosive d'un trafic d'influence, n'est pas prouvé, de l'aveu même du Times. Un porte-parole d'Hillary Clinton affirme que l'ancienne secrétaire d'État n'a pas été mêlée au dossier de Rosatom, ce que d'autres sources ont confirmé. Il affirme en outre que plusieurs autres agences gouvernementales américaines, de même que le gouvernement canadien, ont donné le feu vert à la transaction qui a permis à Rosatom d'acquérir Uranium One.

N'empêche, l'affaire ne fait pas bien paraître les Clinton.