«N'avez-vous pas de décence, monsieur?» Le 9 juin 1954, l'avocat Joseph Joseph Nye Welch a adressé cette question au sénateur Joe McCarthy, qui tenait une énième audition sur l'infiltration imaginée des communistes dans l'armée américaine. La question a marqué un tournant dans l'histoire du macchartysme.

Les États-Unis ont peut-être vécu un moment semblable aujourd'hui lorsque Michelle Obama a prononcé au New Hampshire un discours enflammé au sujet de Donald Trump dont elle n'a jamais mentionné le nom. Sur un ton indigné, elle dénoncé les propos misogynes du candidat républicain, se disant personnellement blessée par ceux qui ont été diffusés vendredi dernier par le biais d'une vidéo remontant à 2005.

Je traduis quelques extraits de son discours :

«Le fait est que nous avons dans cette élection un candidat à la présidence des États-Unis qui, tout au long de sa vie et de cette campagne, a dit des choses sur les femmes qui sont tellement choquantes. Tellement dégradantes. Je ne répéterai rien ici aujourd'hui. Et la semaine dernière, nous avons vu ce candidat se vanter d'avoir agressé sexuellement des femmes. Et je ne peux pas croire que je dise cela. Un candidat à la présidence des États s'est vanté d'avoir agressé sexuellement des femmes. Je ne peux pas arrêter d'y penser. Cela m'a ébranlée au plus profond de mon être d'une façon que je n'aurais pas pu prédire.»

«Ce serait malhonnête et peu sincère de ma part de passer à autre chose comme si cela était seulement un mauvais rêve. Ce n'est pas quelque chose que nous pouvons ignorer. Ce n'est pas quelque chose que nous pouvons balayer sous le tapis comme une autre note de bas de page dans une saison électorale triste. Parce que ce n'était pas seulement une conversation salace. Ce n'était pas des propos de vestiaire. C'était un individu puissant qui parlait librement et ouvertement d'un comportement de prédateur sexuel.»

«Ça me touche personnellement. Et je suis sûre qu'il en est de même pour vous. Particulièrement les femmes. Les propos humiliants sur nos corps. Le manque de respect pour notre ambition et notre intellect. La croyance que vous pouvez faire ce que vous voulez à une femme. C'est cruel. C'est effrayant. Et, pour dire la vérité, ça fait mal. C'est comme ce serrement de coeur que vous avez quand vous marchez dans la rue sans déranger personne et qu'un type passe un commentaire vulgaire sur votre corps. Ou quand vous voyez ce type au travail qui se tient un peu trop proche de vous, qui vous regarde avec un peu trop d'insistance, cela vous rend mal à l'aise dans votre propre peau.»

CNN et MSNBC ont diffusé en direct le discours de la Première dame. Donald Trump a pris la parole peu après, traitant de «menteuses horribles» les femmes qui l'accusent d'attouchements non désirés. En parlant notamment de la journaliste du magazine People, il a déclaré : «Regardez-la. Regardez ses mots. Dites-moi ce que vous en pensez.» Et d'ajouter : «I don't think so.»

Trump semblait vouloir dire que la journaliste n'était pas assez belle pour mériter d'être agressée sexuellement.

P.S. : Après avoir reçu une mise en demeure concernant son article citant deux accusatrices de Donald Trump, le New York Times a envoyé aux avocats du candidat républicain une lettre les invitant presque joyeusement à donner suite à leurs menaces de poursuite pour diffamation. La lettre est à lire.