Il est sur le point de réaliser l'impensable: asseoir autour d'une même table les belligérants de la guerre civile qui ravage la Syrie depuis plus de quatre ans. Le médiateur onusien Staffan de Mistura caresse l'objectif audacieux de trouver une solution politique à la crise. Portrait en sept temps de ce diplomate de carrière, spécialiste des missions impossibles.

L'homme des grandes situations

Staffan de Mistura, 68 ans, a notamment été chef des missions des Nations unies en Irak, au Liban et en Afghanistan. Sa carrière diplomatique de 42 ans, dont une trentaine d'années pour le compte de l'ONU, l'a aussi mené du Laos à la Somalie en passant par le Viêtnam, le Népal, le Soudan, l'Éthiopie et les Balkans. Il a oeuvré au Programme alimentaire mondial, au Haut Commissariat pour les réfugiés, au Fonds des Nations unies pour l'enfance (UNICEF) ainsi qu'à l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO).

19

Staffan de Mistura a accompli 19 missions à l'étranger durant sa carrière, principalement en zones de conflit.

Diplomatie «créatrice»

Dans un long portrait de Staffan de Mistura publié à la fin du mois de juillet dans le quotidien britannique The Guardian, la journaliste Janine di Giovanni écrit qu'il a développé une diplomatie «innovatrice et créatrice», racontant qu'il avait convaincu une compagnie aérienne d'amener de la nourriture dans «Kaboul affamé», en 1989, qu'il avait peint en bleu les chameaux du Programme alimentaire mondial transportant des vaccins au Soudan «pour que les hélicoptères puissent les repérer et les protéger», ou encore qu'il avait utilisé des passeurs pour «briser le siège de Sarajevo et apporter des repas et des couvertures aux habitants désespérés».

Polyglotte

Détenteur de la double citoyenneté suédoise et italienne, Staffan de Mistura parle sept langues dont le suédois, l'italien, l'espagnol et l'arabe.

Mandat très difficile

Si réputé soit-il, Staffan de Mistura s'est vu confier un mandat très difficile. «Il n'est pas maître de ce qu'il fait», explique le directeur du Réseau de recherche sur les opérations de paix (ROP) de l'Université de Montréal, Jocelyn Coulon. «Ce n'est pas lui qui détient les ressources qui font en sorte que les parties vont signer une entente.» Lors des accords de Dayton, qui ont mis fin à la guerre de Bosnie, en 1995, le négociateur américain Richard Holbrooke avait dans ses cartes «des avions de l'OTAN prêts à bombarder» et «des ressources économiques à investir si la paix était signée» pour inciter les parties à s'entendre, ce qui n'est pas le cas du médiateur onusien, illustre Jocelyn Coulon.

Troisième

Staffan de Mistura est le troisième envoyé spécial des Nations unies pour la Syrie, après l'Algérien Lakhdar Brahimi, qui a démissionné en mai 2014 après deux ans en poste, et l'ancien secrétaire général des Nations unies Kofi Annan, qui a lui aussi jeté l'éponge six mois après sa nomination, irrité par la division du Conseil de sécurité sur la question syrienne. Jocelyn Coulon explique leur échec par le manque de volonté des parties impliquées à faire la paix. «Fondamentalement, ni les Occidentaux et leurs alliés rebelles ni les Russes et leur allié Assad ne voulaient céder.»

Discussions

Le plan de paix présenté en août par Staffan de Mistura prévoit le début de pourparlers, dès ce mois-ci, autour de quatre thèmes: sécurité et protection; questions politiques et légales; antiterrorisme; reconstruction. Cette fois, la Russie et l'Iran, principaux alliés du régime du président syrien Bachar al-Assad, ont appuyé la démarche. Ces discussions visent à trouver une solution politique au conflit syrien, qui a fait plus de 240 000 morts et poussé 4 millions de personnes à l'exil depuis mars 2011.