Après avoir évoqué des «décisions difficiles» pour éviter à la France de se rapprocher d'une crise comparable à celle que connaît la Grèce, François Fillon a annoncé jeudi le gel des dépenses de l'État pour trois ans et le rabotage des niches fiscales à hauteur de cinq milliards d'euros d'ici 2012.

Le Parti socialiste a immédiatement dénoncé «un plan d'une extrême rigueur, qui va avoir des effets désastreux à la fois sur le chômage (...) et sur les politiques publiques».

À l'issue d'un séminaire gouvernemental consacré à la préparation du budget 2011-2013 et à la lutte contre le déficit public, le premier ministre Fillon a déclaré avoir «demandé aux ministres de veiller à ce que, en 2010, la dépense soit strictement tenue au niveau prévu par la loi de finances votée par le Parlement».

Parmi les solutions budgétaires avancées, M. Fillon a confirmé «l'objectif d'adopter d'ici la fin de l'année un programme de cinq milliards d'euros d'économies sur deux ans» en réduisant les niches fiscales, qui coûtent chaque année 70 milliards à l'État, mais aussi les niches sociales.

Cette dernière catégorie englobe les sommes versées aux salariés par les entreprises en exonération de prélèvement sociaux. Elle comprend notamment les indemnités de départ en retraite ou de licenciement, les chèques restaurants ou voyages, les chèques emploi service et l'épargne salariale.

S'agissant des dépenses de l'État, elles seront gelées de 2011 à 2013, «hors charges d'intérêt de la dette et hors dépenses de pensions», a précisé le chef du gouvernement.

De même, «la politique de non remplacement d'un départ à la retraite sur deux sera poursuivie dans la Fonction publique» et «les dépenses de fonctionnement courant de l'État diminueront de 10% en trois ans, avec une baisse de 5% dès 2011». Quant aux opérateurs de l'État -organismes juridiquement distincts de l'État dont celui-ci se sert pour mettre en oeuvre sa politique-, «un effort de productivité de même ampleur» leur sera demandé.

Insistant sur l'importance de ce budget triennal pour «assurer la crédibilité de notre stratégie de redressement des comptes publics», M. Fillon a aussi rappelé l'engagement de la France de «revenir à un déficit public inférieur à 3% du PIB en 2013».

Une nouvelle conférence sur les déficits de la France, après celle de fin janvier, doit bientôt se tenir à Matignon, probablement le 20 mai.

«C'était un moyen pour tous les ministres (...) de voir comment nous allions atteindre et définir les modalités d'application pour réduire de deux points le taux des déficits, qui est l'engagement que nous avons pris avec Bruxelles et que nous respecterons», a relaté le ministre du Budget François Baroin en quittant la réunion.

M. Fillon, qui avait souligné la veille sur TF1 la nécessité pour la France de conserver sa «signature» de dette, la «meilleure» en Europe avec celle de l'Allemagne, a conclu ce séminaire en demandant aux ministres de «formuler des propositions de budget compatibles avec ces objectifs». À cette fin, il doit adresser dans les prochains jours à chaque membre du gouvernement une lettre de cadrage «qui rappellera l'ensemble de ces exigences».

À sa sortie, le ministre de l'Education nationale, Luc Chatel, également porte-parole du gouvernement, a assuré que ces mesures d'économie ne relevaient aucunement de la rigueur mais plutôt d'une «politique budgétaire sérieuse (prenant) en compte la réalité de la situation actuelle».

«On voit bien que l'après-crise est à notre portée mais elle est fragile», a-t-il observé. «Si demain nous augmentions massivement les impôts et si nous menions une vraie politique de rigueur (...) cela aurait des conséquences très préjudiciable sur cette reprise.»

Aux antipodes de cette analyse, le secrétaire national PS à l'économie Michel Sapin a estimé que ce plan d'économies annonçait «la fin de toutes les politiques de soutien (...) à l'activité économique, alors que la crise économique et la crise sociale sont encore en grande partie devant nous».

Pour cet ancien ministre de l'Economie, on a un gouvernement qui est totalement hémiplégique: il essaie d'agir (...) sur les dépenses mais il ne dit rien des recettes, il continue à accepter des impôts qui baissent».

Dénonçant pour sa part «la mise en place d'une politique de rigueur pour notre pays», l'UNSA a estimé que le tour de vis annoncé allait concerner «au premier chef tous les agents publics qui verront, de fait, leur pouvoir d'achat amputé pour les trois ans qui viennent».

M. Chatel a néanmoins relevé le «caractère d'exemplarité» du plan d'économies engagé par le gouvernement. «Il faut que tous les Français soient touchés, cela a été évoqué à plusieurs reprises au cours du séminaire», a-t-il dit.

Le premier ministre avait déjà laissé entendre mercredi que la France, sans recourir à la rigueur, se rapprocherait des critères du Pacte de stabilité européen «en demandant un certain nombre d'efforts à tout le monde».