Un ex-paramilitaire colombien réfugié au Canada comme témoin à charge sous protection est sorti de l'ombre hier pour «demander pardon» à ses compatriotes et accuser le président Alvaro Uribe de maintenir un «État terroriste».

«Il n'y a pas de justice en Colombie. Les paramilitaires accusés de meurtre s'en tirent et s'enrichissent, les paysans écopent 40 ans de prison. Les procureurs s'exilent ou sont assassinés», a dit Jairo Castillo Peralta, alias Pitirri, lors d'une conférence de presse à Montréal.

Caché depuis six ans avec sa famille de six enfants, il vit sous les menaces de mort depuis qu'il a appris d'Ottawa, en mai, que des tueurs à gages étaient au Québec pour l'assassiner.

Il s'est associé hier au groupe Action Solidarité pour la Colombie (ASC) pour dire que «les délinquants sont au gouvernement» et sont «ceux-là mêmes qui ordonnent les massacres de paysans».

«Je n'ai jamais pris part à des massacres. Je n'ai tué personne. J'ai géré sur trois ans les rentes d'un groupe des Autodéfenses unies de Colombie (AUC, milices d'extrême droite) qui rançonnait la population dans le département de Sucre - environ 700 000$ par an», a-t-il déclaré.

Récemment, la Cour interaméricaine des droits de l'homme (CIDH), s'est basée sur les témoignages de gens comme Peralta pour tenir les forces armées et les paramilitaires responsables du massacre de 15 paysans dans le village d'Al Aro en 1997, a dit de son côté Adriana Petro.

Journaliste colombienne réfugiée au Canada, elle est la soeur du sénateur Gustavo Petro, du Pôle démocratique (opposition), l'un des critiques les plus durs de la «parapolitique» en Colombie, c'est-à-dire des liens entre la classe politique et les paramilitaires.

À l'époque du massacre d'Aro, Alvaro Uribe était gouverneur du département d'Antioquia. La CIDH l'a tenu responsable de non-assistance aux paysans alors que les paramilitaires sont venus dans des hélicoptères de l'armée, a dit Mme Petro.

Uribe est un allié clé des États-Unis, qui versent depuis 1999 des centaines de millions de dollars chaque année pour combattre le narcotrafic et la guérilla marxiste.

Le scandale de la «parapolitique», son bras de fer avec la Cour suprême qui a récusé sa réélection en 2006 et le jugement de la CIDH ont miné sa légitimité alors qu'il poursuit un accord de libre-échange avec le Canada et les États-Unis.

Dernière tuile: la Cour pénale internationale réclame que Bogota identifie les responsables des massacres, disparitions et déplacements forcés, faute de quoi elle menace d'intervenir.

L'ASC a aussi demandé au Canada de ne pas donner suite au traité de libre-échange, finalisé en juin dernier. Aux États-Unis, les démocrates ont mis le projet en veilleuse en invoquant les assassinats de syndicalistes au pays d'Uribe.