Le pape Benoît XVI a soutenu vendredi à Paris le concept controversé de «laïcité positive», prôné par le président français Nicolas Sarkozy, avant d'aller à la rencontre des chrétiens à la cathédrale Notre Dame, au premier jour d'une visite très dense en France.

Alors que la nuit tombait sur Paris, le pape a célébré les vêpres et prié pour «l'unité de l'Eglise» à Notre Dame avant de s'adresser, souriant, aux jeunes croyants à qui il a demandé de «porter la bonne nouvelle».

«N'ayez pas peur», a lancé le pape, reprenant des mots célèbres de son prédécesseur, Jean Paul II, plus connu -et pour le moment plus apprécié- que lui en France, déclenchant les applaudissements.

Quelque 40 000 fidèles étaient réunis au coeur de la capitale pour suivre les propos du pape retransmis sur des écrans géants.

Ce voyage de quatre jours de Benoît XVI en France, le premier de son pontificat, avait auparavant débuté sur une note plus «politique» lors d'un discours devant

Nicolas Sarkozy et le gouvernement à l'Elysée.

«En ce moment historique où les cultures s'entrecroisent, une nouvelle réflexion sur le vrai sens et l'importance de la laïcité est devenue nécessaire», a déclaré, en français, Benoît XVI.

Il a jugé fondamental d'«insister sur la distinction entre politique et religieux» mais souligné «la fonction irremplaçable de la religion pour la formation des consciences et la contribution qu'elle peut apporter, avec d'autres instances, à la création d'un consensus éthique fondamental dans la société».

Ces déclarations constituent une réponse de Benoît XVI aux thèses développées par Nicolas Sarkozy, depuis son déplacement au Vatican en décembre 2007. Le président français cherche à faire évoluer la stricte laïcité à la française, qui institue une séparation rigide entre la religion et l'Etat, au grand dam du camp laïc, sur un sujet qui reste très passionnel en France.

«Nous assumons nos racines chrétiennes», a réitéré le président français, devant le souverain pontife.

«Ce serait une folie de nous priver (des religions, ndlr), tout simplement une faute contre la culture et contre la pensée. C'est pourquoi j'en appelle à une laïcité positive», a ajouté M. Sarkozy, qui revendique ses convictions catholiques.

Il a ajouté cependant que la France est «multiple» et redit sa volonté «de tout faire pour que nos compatriotes musulmans puissent vivre leur religion à égalité avec toutes les autres», a-t-il ajouté. Les musulmans sont 5 millions et forment la deuxième religion en France.

L'opposition de gauche et le camp laïc ont critiqué l'accueil réservé au pape par M. Sarkozy, estimant que le chef de l'Etat ne devait pas évoquer ses «convictions personnelles» sur la religion et rester le garant de la laïcité.

«Pour la première fois dans l'histoire de la France républicaine, un pape et un président de la République affichent une politique commune», a regretté le sénateur socialiste Jean-Luc Mélenchon.

En un geste symbole, M. Sarkozy s'était rendu en personne à l'aéroport d'Orly pour accueillir le pape, accompagné de sa femme, Carla. Les cloches de Paris ont sonné pour saluer l'arrivée du souverain pontife.

Autre temps fort de cette journée, le pape a pris la parole au Collège des Bernardins, magnifique édifice cistercien du XIII siècle.

Là, devant quelque 700 membres du monde de la culture, ainsi que quelques représentants de la communauté musulmane, il a délivré un discours théologique très complexe, mais où il a mis au passage en garde contre une «culture purement positiviste» qui signifierait la «capitulation de la raison».

Le pape a évoqué le risque, dans l'interprétation de la Bible, d'un glissement vers «le fanatisme et l'arbitraire». Il a fait référence aux «deux pôles que sont, d'un côté, l'arbitraire subjectif, de l'autre le fanatisme fondamentaliste».

Samedi matin, le pape célèbrera une messe sur la place des Invalides, devant 200 000 personnes avant de se rendre à Lourdes (sud-ouest) en cette année anniversaire de la première des apparitions de la Vierge à Bernadette Soubirous, il y a 150 ans.