La Géorgie a demandé lundi à la Cour internationale de justice (CIJ) à La Haye d'ordonner d'urgence à la Russie de cesser le «nettoyage ethnique» en Ossétie du Sud et en Abkhazie ainsi que dans les zones géorgiennes occupées.

«Ce cas est celui du nettoyage ethnique de Géorgiens et d'autres minorités ethniques sur le territoire géorgien», a estimé le professeur James Crawford, intervenant au nom de Tbilissi, à l'ouverture de l'audience, qui se poursuivra jusqu'à mercredi.

La Géorgie estime à 150 000 le nombre total de Géorgiens déplacés depuis l'intervention militaire russe en Ossétie du sud le 8 août, en riposte à une tentative ratée de Tbilissi de reprendre le contrôle de ce territoire séparatiste. (Ce chiffre indique qu'il s'agit en grande partie de Géorgiens n'habitant pas en Ossétie du Sud, dont la population totale est estimée à 70 000, dont entre 15 000 et 20 000 Géorgiens)

Les forces russes ont ensuite poursuivi leur avancée en territoire géorgien où elles ont établi une zone tampon à proximité de l'Ossétie du Sud et de l'Abkhazie, une autre région séparatiste pro-russe.

D'importants déplacements de population se sont produits en Géorgie même, où des villages proches des régions séparatistes ont été livrés aux milices ossètes pro-russes, ce qui a provoqué la fuite des habitants.

Au total, «450 000 Géorgiens, 10% de la population, ont été expulsés et forcés de trouver refuge» depuis le début des années 90, a déclaré la vice-ministre de la Justice géorgienne Tina Burjaliani. (Des milliers de réfugiés géorgiens – 250 000 selon Tbilissi - avaient été chassés d'Abkhazie en 1991-92, à la suite d'un conflit armé).

Les «déplacés» ont été victimes d'une «campagne de persécution» de la Russie, a-t-elle affirmé : «nous sommes inquiets pour des milliers de Géorgiens contre qui les discriminations se poursuivent».

Au nom de la Géorgie, le professeur Payam Akhavan a cité un rapport de l'organisation internationale Human Rights Watch (HRW) du 12 août, relatant des «scènes terrifiantes de destructions dans quatre villages entièrement habités par des Géorgiens».

«Le 28 août, HRW a conclu que malgré l'obligation de la Russie d'assurer la sécurité et le bien-être des civils sous son contrôle, les civils ne sont clairement pas protégés», a-t-il poursuivi : «il y a une trame de violence ethnique».

M. Akhavan a lu des témoignages de déplacés, forcés de fuir pour ne pas mourir.

Sur le fond, dans une plainte déposée le 12 août, Tbilissi a accusé Moscou de violer la «Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale de 1965».

Le 14 août, la Géorgie a assorti sa plainte d'une demande de mesures d'urgence, dites «conservatoires», en attendant un jugement, ce qui pourrait prendre plusieurs mois voire années.

Une décision sur ces mesures «conservatoires» peut être prise en quelques semaines.

La Géorgie demande que les juges ordonnent d'urgence à la Russie de cesser «le nettoyage ethnique» et de permettre aux déplacés de retourner dans ces deux région, rebelles à l'autorité de Tbilissi, d'où ils ont été chassés.

Plus haute instance judiciaire des Nations unies, la CIJ juge les différends entre les États. Ses arrêts sont contraignants et sans appel.

Pour la première fois depuis le 8 août, les ambassadeurs suédois, estonien et letton ont pu se rendre vendredi dans la zone tampon créée par les forces russes au sud de l'Ossétie du sud.

Ils n'ont toutefois été autorisés à entrer que dans le village limitrophe de Karaleti et ont exprimé leurs «graves inquiétudes concernant un possible nettoyage ethnique» subsistant.