Le gouvernement Bush essaie de retarder de toutes les manières possibles le règlement de quelque 250 requêtes de détenus de Guantanamo qui contestent leur détention devant une cour fédérale, comme la Cour suprême leur en a ouvert le droit depuis juin.

Environ 250 détenus ont déposé fin juin, devant la cour fédérale de Washington, une procédure en Habeas corpus, fondatrice du droit anglo-saxon qui permet à tout détenu de contester son emprisonnement.

Ce sera le premier tribunal civil autorisé à statuer sur la détention de ces hommes enfermés pour certains depuis plus de six ans, en grande majorité sans inculpation ni procès. Quinze juges fédéraux ont été chargés d'examiner ces requêtes.

Mais depuis la décision historique de la Cour Suprême, le 12 juin, le gouvernement Bush joue la montre. L'annonce mardi qu'il demandait un mois de délai supplémentaire pour instruire ses dossiers n'est que la dernière de ses tentatives tous azimuts pour freiner le processus.

L'administration Bush est en effet confrontée à plusieurs problèmes de taille, dont celui de la définition légale de l'appellation «combattant ennemi» qui justifie à elle seule la détention de ces hommes.

Internationalement critiquée pour avoir enfermé des hommes sans leur donner droit à une défense, au nom de la «guerre contre le terrorisme», elle ne sait pas non plus comment répondre aux conséquences de ces procédures en Habeas corpus et notamment à la question: que faire des détenus si leur enfermement est déclaré illégal?

Elle redoute enfin que ces requêtes ne supposent qu'elle dévoile des documents classés secret défense, dont certains sont déjà connus du public, et qui confirmeraient l'usage de pratiques assimilables à de la torture comme les privations de sommeil dont ont témoigné plusieurs détenus.

Après de premières promesses que les détenus de Guantanamo ne seraient jamais relâchés sur le territoire américain, le ministre de la Justice, Robert Mukasey, a ainsi appelé le 21 juillet le Congrès à légiférer «pour s'assurer que les procédures permises par la Cour suprême sont menées de manière rapide et responsable».

Une intervention traitée de «tentative choquante de nous entraîner dans des années de délais et de bataille judiciaire» par le Centre pour les droits constitutionnels (CCR) américain, organisation d'avocats spécialisés dans la défense des droits de l'Homme.

«L'administration massacre le travail en cherchant à éviter une révision judiciaire à tout prix, provoquant des années de délai et une profonde incertitude», avait de son côté réagi le président de la Commission des Affaires judiciaires du Sénat, Patrick Leahy (démocrate).

Cela n'a cependant pas empêché deux sénateurs d'introduire une proposition de loi, afin que le Congrès éclaircisse les «incertitudes» émanant de la décision de la Cour suprême.

Au mois d'août, le ministère de la Justice a tenté de retarder les procédures en tablant sur des points de droit.

Et début septembre, il a demandé un délai justifié selon lui essentiellement par le temps nécessaire aux agences de renseignements, pour autoriser la révélation de documents classifiés.

Si bien qu'un seul juge de la cour fédérale de Washington, Richard Leon, a jusqu'ici été en mesure de programmer une première audience, le 6 octobre.

Après des dizaines de pré-audiences avec les avocats des deux parties pendant deux mois, il a rédigé un «ordre de gestion de la procédure», dans lequel il prévoit notamment que le gouvernement devra prouver la légalité de la détention à Guantanamo par «la supériorité des preuves».