Des milliers de manifestants royalistes, déterminés à faire tomber le premier ministre thaïlandais Samak Sundaravej, ont pris d'assaut mardi le siège du gouvernement à Bangkok, ainsi qu'une chaîne de télévision.

S'exprimant depuis un complexe militaire dans la banlieue de la capitale, M. Samak a averti que la police entreprendrait une «action décisive» et qu'elle utiliserait «tous les moyens pour rétablir la normalité dès que possible».

La police thaïlandaise a fait état d'un ultimatum. «Les manifestants doivent quitter le complexe du gouvernement avant 18h00 (7h00 HAE), faute de quoi on leur demandera de partir», a affirmé le général Surapol Tuanthong, porte-parole adjoint de la police nationale.

«Ils ont provoqué des désordres et ont enfreint la loi», a-t-il ajouté.

Les manifestants, qui accusent M. Samak d'être «une marionnette» de l'ex-premier ministre renversé Thaksin Shinawatra, se sont rassemblés à l'aube dans le quartier des ministères à Bangkok et ont marché vers le siège du gouvernement, ainsi que vers la chaîne de télévision National Broadcasting Service of Thailand (NBT), contrôlée par l'État.

La police a estimé à plus de 20 000 le nombre de manifestants, tandis qu'un porte-parole gouvernemental a cité le chiffre de 30 000 personnes.

Peu après la prise de «Government House», l'un des principaux meneurs des manifestants, Chamlong Srimuang, a ironisé sur la situation: «Nous sommes juste venus pour nous protéger du soleil tropical et pour utiliser les toilettes».

Outre le complexe abritant les bureaux du premier ministre et les studios de NBT, des manifestants ont encerclé au moins trois ministères (Finances, Transports, Agriculture), ainsi que le Département des relations publiques du gouvernement et le quartier-général de la police de Bangkok, selon des chaînes de télévision thaïlandaises.

Vêtus pour la plupart de jaune, en signe d'allégeance au roi de Thaïlande Bhumibol Adulyadej, les manifestants appartiennent à «l'Alliance du peuple pour la démocratie» (PAD), rassemblement hétéroclite qui cherche depuis mai à faire tomber le gouvernement de M. Samak, dominé par des alliés de M. Thaksin.

Dans l'après-midi, M. Samak a donné l'impression de perdre patience, affirmant que la retenue gouvernementale avait atteint ses limites. «Je dis à tous les protestataires qui ont bloqué ou occupé des bureaux gouvernementaux que vous avez encore une chance de vous retirer et de retourner chez vous».

M. Samak, qui a demandé au ministre de l'Intérieur Kowit Wattana de superviser les opérations policières, a rejeté toute idée de démission.

«L'armée ne les laissera pas prendre le contrôle du pays», a dit le premier ministre, ajoutant: «je ne démissionnerai pas, je resterai pour protéger ce pays».

Au moins 80 manifestants ont été arrêtés lors d'un premier assaut contre la station NBT, a indiqué la police qui a saisi un pistolet, des couteaux, des frondes et des clubs de golf.

«C'est l'heure du jugement dernier», a lancé Sondhi Limthongkul, autre meneur des manifestants.

M. Sondhi, magnat de la presse, est farouchement hostile à M. Thaksin, qui fut premier ministre de Thaïlande de 2001 à 2006 avant d'être renversé par des généraux royalistes.

La PAD affirme que M. Samak est un «homme lige» de M. Thaksin qui vient de se réfugier en Grande-Bretagne pour éviter de comparaître devant la justice thaïlandaise en liaison avec des accusations de corruption.

Le chef de l'armée thaïlandaise, le général Anupong Paojinda, a exclu que les militaires déclenchent un nouveau putsch. «L'armée ne fera pas un coup d'État. Le public ne doit pas paniquer», a-t-il dit.

Du fait des manifestations, «le gouvernement a arrêté de fonctionner», a admis un responsable sous le couvert de l'anonymat.

En décembre dernier, M. Samak, à la tête du Parti du pouvoir du peuple (PPP), avait largement remporté les premières élections législatives depuis le coup d'État de septembre 2006 contre M. Thaksin.