La promesse du Parti québécois de mettre fin à l'exploitation de l'amiante durant la dernière campagne électorale force le gouvernement Harper à changer son fusil d'épaule quant à cette industrie controversée.

Le ministre de l'Industrie, Christian Paradis, a confirmé vendredi que le Canada cessera de s'opposer à l'inscription de l'amiante chrysotile sur la liste des produits chimiques dangereux établie par la Convention de Rotterdam.

De passage vendredi à Thetford Mines, dans sa circonscription, M. Paradis a soutenu que l'intention de la première ministre Pauline Marois d'interdire l'exploitation de ce produit jugé nocif par plusieurs a été un élément déterminant dans la décision du gouvernement Harper.

En campagne électorale, Mme Marois a aussi promis qu'une commission parlementaire se pencherait sur les mesures à prendre pour diversifier l'économie des régions qui dépendent de cette industrie.

«La décision de Mme Marois d'interdire l'exploitation du chrysotile aura un impact négatif sur la prospérité future de la région. Des centaines de travailleurs de la région sont présentement sans emploi et dans l'incertitude. La dernière chose dont ils ont besoin est d'une fausse consultation, alors que la décision de fermer l'industrie est déjà prise par Mme Marois. Ma priorité est donc de travailler immédiatement avec les partenaires de la région sur la transition pour créer des emplois pour nos travailleurs le plus rapidement possible», a dit M. Paradis.

Le ministre a également annoncé qu'Ottawa offrira 50 millions de dollars afin de permettre aux communautés affectées par cette décision de diversifier leur économie.

Opposition

Dans le passé, le gouvernement Harper s'est opposé à trois reprises à ce que l'amiante chrysotile soit inscrit sur la liste des substances dangereuses de la Convention de Rotterdam, traité international conclu sous l'égide des Nations unies. Il avait agi ainsi malgré l'avis des experts du ministère fédéral de la Santé qui concluaient que ce produit était dangereux pour la santé

«Il serait illogique que le Canada s'oppose à l'inclusion du chrysotile à l'annexe III de la Convention de Rotterdam alors que le Québec, qui est la seule province productrice de chrysotile, en interdira l'exploitation», a affirmé le ministre Paradis, qui est aussi le lieutenant politique de Stephen Harper au Québec.

M. Paradis a tout de même réitéré qu'il croyait toujours à l'utilisation sécuritaire de l'amiante produite au Québec.

À Québec, un porte-parole du Parti québécois, Éric Gamache, a indiqué que Mme Marois et ses députés prennent «acte» de la décision de M. Paradis. «Cela va alimenter la réflexion pour la commission parlementaire que nous avons toujours l'intention de tenir», a-t-il dit.

Le NPD, qui a fait pression sur le gouvernement Harper pendant des années pour qu'il interdise l'exportation de l'amiante, s'est dit heureux de cette décision. Mais le député néo-démocrate Robert Aubin a soutenu que l'annonce du fonds de 50 millions «sent l'improvisation». «On ne sait pas combien de temps ce fonds va durer et à quoi exactement il va servir», a-t-il commenté.

Depuis l'élection des conservateurs, en 2006, M. Paradis avait vigoureusement défendu l'industrie de l'amiante. Il faut dire que la mine Lac d'amiante, à Thetford Mines, se trouve dans sa circonscription, Mégantic-L'Érable. La mine Jeffrey se trouve à Asbestos, dans la circonscription voisine de Richmond-Arthabaska.

Coup fatal

Cette annonce risque de porter le coup fatal à cette industrie, qui bat de l'aile depuis plusieurs années et que le gouvernement Charest avait tenté de relancer en lui accordant des prêts. À la fin du mois de juin, alors que des élections provinciales étaient imminentes, le gouvernement Charest a accordé un prêt de 58 millions à Mine Jeffrey par l'entremise d'Investissement Québec. Or, Pauline Marois a promis d'annuler ce prêt durant la dernière campagne électorale.

Le président de Mine Jeffrey d'Asbestos, Bernard Coulombe, a refusé de jeter l'éponge malgré l'annonce de M. Paradis. Il a déclaré à Radio-Canada qu'il est possible d'exploiter de façon sécuritaire l'amiante chrysotile. «En ce qui me concerne, l'exploitation de l'amiante n'est pas interdite», a-t-il dit en évoquant le potentiel du marché de l'Asie.