Le 13e Festivalissimo prend fin demain soir, avec le film chilien El Regalo. La Presse en profite pour faire le point avec sa fondatrice, Elisa Pierna, Espagnole devenue Québécoise il y a 40 ans.

Comment va Festivalissimo? Assez bien merci.
Treize ans après sa fondation, le festival de cinéma ibéro-latino-américain de Montréal maintient sa programmation de qualité, sans y perdre au change. Le nombre de films augmente et le public grandit. En témoignent les 65 000 entrées payantes enregistrées l'an dernier pour le seul volet cinéma.

On n'aurait pas parié, en 1997, sur un dénouement aussi positif. La première présentation de Festivalissimo (qui s'appelait alors la Muestrra cultural ibero-latino-americana) fut organisée avec un budget anémique, avec l'appui des corps consulaires et un peu d'argent privé. Le deuxième festival aussi. Tout comme le troisième.

Ceci expliquant cela, les films n'étaient pas toujours du meilleur cru. «On prenait ce que les ambassades et les consulats nous offraient», résume la présidente et fondatrice de la manifestation, Elisa Pierna.

Contre toute attente, Festivalissimo a tenu bon. Et a grandi. Subventionné depuis 2002, l'événement peut se permettre une programmation à la hauteur de ses fantasmes où, de Carlos Reygada (Mexique) à Daniel Burman (Argentine), en passant par Pablo Larain (Chili) ou Bruno Barreto (Brésil), on a pu découvrir le meilleur du nouveau cinéma latino et espagnol.

Elisa Pierna reconnaît que son festival a une préférence marquée pour les films d'auteur. Mais elle souligne aussi son volet populaire (section Vox Populi), apparu l'an dernier à la demande des festivaliers eux-mêmes.

«Notre but est de surprendre et de faire connaître des cinéastes de calibre international qui sont encore peu connus ici, explique Mme Pierna. Notre esprit est plus près de celui de Sundance que du FFM. Nos films ne sont peut-être pas tous grand public. Mais nos salles sont quand même pleines.»


Des subventions...

Il y a pourtant loin de la coupe aux lèvres, ajoute la fondatrice.

Car malgré cette courbe ascendante, Festivalissimo est encore loin de faire ses frais. «Chaque festival nous coûte 400 000$, explique la dame. Or, nous n'avons que 170 000$ de subventions, en incluant l'aide des ambassades étrangères.»

Mme Pierna, femme de bagout s'il en est, déplore notamment l'entêtement de la SODEC à ne pas financer son festival, sous prétexte qu'il s'agit d'un événement à caractère «thématique».
«Nous présentons des films de 26 pays, dit-elle en haussant le ton. Je ne vois pas où est le thème! Pendant ce temps, la SODEC finance le Festival des films sur l'art ou Fantasia. Est-ce que ça, ce ne sont pas des festivals thématiques?»

À l'heure actuelle, Festivalissimo continue de rouler sur sa marge de crédit. Une aide de la SODEC, dit-elle, permettrait au festival d'être totalement solvable, «Nous avons besoin de 100 000$ de plus pour assurer notre survie», résume Mme Pierna.

L'histoire est à suivre. Mais avec la communauté latino qui grandit à Montréal, il semble désormais acquis que Festivalissimo a sa place dans notre paysage culturel. Non seulement parce qu'il incarne un gros morceau de la diversité ethnique québécoise, mais aussi parce qu'il créé un pont entre une immigration récente et sa société d'accueil.

«J'ai créé Festivalissimo pour montrer aux Québécois que nos peines, nos joies et nos désirs n'étaient pas si différents des leurs, explique Mme Pierna. Je l'ai aussi fait pour redonner de la fierté aux immigrants latino-américains, venus ici pour la plupart dans des conditions très difficiles. Sans fierté, vous savez, l'intégration est beaucoup moins facile.»

... et des menaces de mort

Immigrante, Elisa Pierna le fut aussi. Arrivée au Québec en 1970, cette Espagnole de naissance a participé à la fondation de la première école de langue espagnole de Montréal (La Escuela Espanola) et à la création de la librairie Las Americas (toujours en activité) avant de se consacrer à une longue carrière de professeur auprès des enfants ayant des troubles de comportement.

En 1985, elle a mis sur pied l'émission de radio Hispano latino, sur les ondes de la station multiculturelle CFMB. Une aventure à micro ouvert, qui lui vaudra d'ailleurs des menaces de mort. «Je n'avais pas vraiment la langue de bois. Je dénonçais des choses», résume-t-elle.
Et le cinéma? Il a toujours fait partie de sa vie. Si elle ne se souvient pas exactement du premier film qu'elle a vu, Mme Pierna se rappelle très bien pourquoi les salles sombres lui plaisent.
«J'ai grandi dans l'Espagne franquiste, où l'on n'avait le droit de rien. Mais j'étais une adolescente rebelle, alors j'allais voir tous les films que l'Église condamnait! Pour moi, le cinéma a toujours été une évasion...»