Choisissant souvent des drames à portée sociale, Vincent Lindon a reçu une reconnaissance internationale grâce à un film modeste, qui fait écho à la dure réalité à laquelle sont confrontés bon nombre de salariés.

À pareille date l'an dernier, à quelques jours près, Vincent Lindon montait sur la scène du Théâtre Lumière pour cueillir le prix d'interprétation masculine du Festival de Cannes. Il s'agissait de la première récompense d'envergure que l'acteur, aujourd'hui âgé de 56 ans, recevait depuis le prix Jean-Gabin en... 1989!

À l'époque, Vincent Lindon s'était fait remarquer dans des films de Jean-Jacques Beineix (37°2 le matin), Claude Sautet (Quelques jours avec moi) et Diane Kurys (Un homme amoureux). La maturité aidant, des rôles plus consistants lui ont été offerts au fil des ans. Au moment où La Presse l'a joint, l'acteur se trouvait à New York. En plus de La loi du marché, qui lui vaut enfin une vraie reconnaissance, quatre films dans lesquels il tient la vedette ont été montrés au Metrograph dans le cadre d'un cycle qui lui a été consacré.

«Je n'ai jamais exercé ce métier pour les récompenses, mais j'avoue que ça fait quand même très plaisir, lance-t-il au bout du fil. Les échanges avec le public après les projections sont aussi très stimulants. Je suis extrêmement surpris par l'érudition et les connaissances des gens qui viennent voir les films ici. Ils connaissent le cinéma de Claire Denis et d'Alain Cavalier mieux que les Français. On est en plein dans la métaphore du touriste qui connaît davantage la ville qu'il visite que celui qui l'habite!»

Homme en quête de dignité

Dans le plus récent long métrage de Stéphane Brizé, un cinéaste avec qui il avait déjà tourné deux fois (Mademoiselle Chambon et Quelques jours de printemps), Vincent Lindon incarne un homme au chômage depuis quelques mois qui tente de réintégrer le monde du travail. 

Au moment où l'on entre dans sa vie, ce quinquagénaire se fait expliquer que la formation qu'il a suivie pendant quatre mois - à la suggestion du bureau de placement - ne lui sera, en fait, d'aucune utilité. Commence alors la recherche d'emploi. Et le cortège de petites et grandes humiliations qui accompagnent la démarche. Il finira par trouver un emploi d'agent de sécurité dans un magasin à grande surface.

«Jamais n'aurions-nous pu deviner l'écho que ce film allait avoir, fait remarquer Vincent Lindon. C'est d'ailleurs ce qui fait la beauté du cinéma. La loi du marché est un film à travers lequel nous voulions essayer une autre manière de faire. C'est très dépouillé, l'équipe est réduite au strict minimum, le budget est très modeste, et nous avons tourné le film en 14 jours avec des comédiens non professionnels.» 

«Ce qui nous importait, c'était la véracité des choses. Honnêtement, quand on pense au parcours du film depuis un an, on n'en revient pas encore, Stéphane et moi!»

S'il ne se formalise pas du tout du fait que, comparativement à d'autres acteurs, la reconnaissance est arrivée plutôt tardivement, Vincent Lindon entend rester fidèle à ses principes, ce qu'il a toujours fait.

«Ce qui m'importe, c'est d'être bien avec moi-même, de dormir le soir sans avoir trop de reproches à me faire, dit-il. Je n'accepterai jamais un film - même avec un grand succès potentiel à la clé - si, organiquement, je n'ai pas envie du personnage. Après avoir lu les 20 premières pages d'un scénario, on sait très vite si on tombe amoureux ou pas de toute façon.»

L'Amérique? Pas vraiment...

Très lié au cinéma français, l'acteur se voit par ailleurs mal commencer maintenant une carrière internationale, malgré l'attention que lui a valu le prix au Festival de Cannes. À ses yeux, le cinéma américain n'offre guère de belles occasions aux acteurs venus de l'Hexagone.

«En fait, il n'y a pas vraiment de carrière possible pour un acteur français aux États-Unis, fait-il remarquer. Parce qu'on peut difficilement jouer autre chose qu'un Français. Je me verrais mal dans la peau d'un gars de Brooklyn ou du New Jersey. Et si c'est pour jouer le méchant dans un film de bad boys avec une dent en or, ça ne m'intéresse pas. En revanche, jouer une ou deux très jolies scènes sous la direction d'un metteur en scène américain pourrait m'amuser. Mais cela n'est pas une fin en soi.»

Absent des écrans depuis Les chevaliers blancs, un film de Joachim Lafosse qui faisait écho à l'affaire de L'Arche de Zoé au Tchad (inédit en salle au Québec), Vincent Lindon a maintenant une féroce envie de tourner.

Dès le 23 mai, il incarnera le sculpteur Auguste Rodin sous la caméra de Jacques Doillon (Ponette).

«Après, je vais en enchaîner quelques autres, promet-il. Je n'ai pas travaillé depuis un moment et là, j'avoue que j'en ai envie.»

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La loi du marché prendra l'affiche le 13 mai.