L'un des rêves de Ben Stiller était de porter l'archétype des rêveurs éveillés à l'écran. C'est chose faite avec The Secret Life of Walter Mitty, qu'il réalise et dans lequel il campe le rôle-titre. Rencontre pas imaginaire.

Alors qu'un Zach Galifianakis ou un Adam Sandler sont aussi... particuliers, disons, en face à face qu'en fiction, ce qui frappe à chaque rencontre avec Ben Stiller, c'est le contraste entre l'image fantaisiste qu'il projette à l'écran et celle, très pondérée, qu'il donne en personne. Ainsi, cela faisait bien une décennie qu'il avait envie d'adapter au cinéma The Secret Life of Walter Mitty, la nouvelle mythique que James Thurber a publiée en 1939 dans The New Yorker, revisitée en 1947 dans un film devenu culte mettant en vedette Danny Kaye. Il a pris le temps qu'il fallait.

Le texte, d'à peine plus de deux pages, suit Walter Mitty dans les aventures qu'il imagine afin d'échapper à un quotidien beige. Le film et plusieurs adaptations théâtrales ont suivi. Et pour cause: le concept est porteur et le matériau de départ, par sa richesse thématique et sa brièveté, permet à ceux qui l'adaptent de créer à partir d'un personnage qui met plus d'énergie dans ses rêves éveillés que dans sa vraie vie.

«J'avais lu une première version de scénario il y a huit ou neuf ans, mais elle était trop collée au film original et ne me semblait pas supérieure», a raconté Ben Stiller lors d'une conférence de presse tenue dans les étages supérieurs d'un hôtel new-yorkais.

Le déclic s'est finalement produit grâce au scénario de Steven Conrad, «parce que Steve a pris le personnage et l'a intégré dans un récit original plein de petits moments de vie et d'émotion, reflétant l'esprit du texte de départ, mais qui disent l'histoire d'une manière inclassable».

Ce ton a plu à Ben Stiller, qui a alors non seulement souhaité incarner Walter Mitty, mais aussi retourner derrière la caméra - comme il l'a fait avec succès pour Zoolander et Tropic Thunder. Embrassant ainsi les péripéties d'un homme dont les rêves «ne sont pas ceux de quelqu'un qui souhaite être quelqu'un d'autre, mais une meilleure version de lui-même». Qu'il finira par trouver. Mais d'une manière très différente de celle du Walter Mitty de 1947.

Adapter le spectaculaire

«La performance de Danny Kaye dans le premier film est unique et ç'aurait été une erreur de l'imiter. Ensuite, beaucoup de choses ont changé depuis les années 40 et l'idée qu'on se faisait alors d'une vie spectaculaire n'a rien à voir avec ce que l'on qualifierait ainsi aujourd'hui», souligne Steven Conrad.

Il a donc imaginé un Walter Mitty qui travaille dans le département de photographie de LIFE Magazine, au moment où la célèbre revue va cesser d'être publiée sur papier pour ne plus paraître qu'en version numérique. Tout se bouscule alors pour Walter Mitty: d'un côté, ses rêves romantiques l'entraînent vers une nouvelle collègue (Kristen Wiig); de l'autre, la réalité le confronte à la perte du négatif du cliché qui devrait faire la page couverture du dernier numéro du magazine, signé par le mystérieux photographe Sean O'Connell (Sean Penn).

Et le rêveur de laisser ses fantasmes pour une aventure bien réelle - vraiment? - qui l'entraîne sur les glaciers, au pied des volcans et dans les eaux glacées de l'Islande. L'homme qui n'osait que dans sa tête se fait soudain homme de terrain. The Secret Life of Walter Mitty est aussi un film sur le risque. En prendre. Ou pas. Sortir de sa zone de confort. Ou y rester.

Interrogés sur le sujet, Kristen Wiig et Ben Stiller n'ont pas hésité: oui, ils ont pris des risques et oui, cela les a servis.

Pour la première, tout a commencé lorsqu'elle a quitté l'Arizona pour Los Angeles, avec l'intention de devenir actrice - «alors que tout ce que j'avais comme expérience, c'était d'avoir incarné un Munchkin dans The Wizard of Oz, à l'école» - et se poursuit aujourd'hui, quand, par exemple, elle a accepté de chanter Space Oddity, seule à la guitare, dans The Secret Life of Walter Mitty: «Eh, c'est David Bowie, je voulais bien faire! L'enregistrement en studio, ça allait, mais après, de penser que ça allait être à l'écran et vu...» L'angoisse, quoi.

Pour Ben Stiller, le risque est inhérent à la création: «Aller dans des territoires vierges, en création, c'est ce qui fait l'intérêt de la chose. Autrement, vous stagnez. Je vis pour ce genre de risques-là. Dans ce cas précis, avoir réalisé un long métrage qui ne correspond pas à un genre spécifique, qui est imprévisible en ton et en rebondissements, c'était un risque.»

Il l'a pris. Sans penser, pendant le processus, aux questions auxquelles il aurait à répondre plus tard ni aux critiques. «Ç'aurait été paralysant.» Or, il a encore beaucoup à faire. Ben Stiller n'est Walter Mitty qu'à l'écran.

____________________________________________________________________

The Secret Life of Walter Mitty (La vie secrète de Walter Mitty) prend l'affiche le 25 décembre.