Après plus de 25 ans dans l’industrie, Mélanie Maynard sait ce qu’elle veut et, surtout, ce qu’elle ne veut pas. « Je n’ai plus envie de jouer au perroquet et d’apprendre des questions par cœur. »

Mélanie Maynard nous donne rendez-vous au Messorem, une microbrasserie située aux alentours du canal de Lachine, dans l’arrondissement du Sud-Ouest de Montréal, au terme d’une journée de tournage. Elle nous accueille en sirotant non pas l’une des nombreuses bières IPA ou acidulées qu’offre l’établissement, mais une slush bleue. Bleu royal. Le type qui tache la langue, les lèvres et l’ensemble des dents après une seule gorgée.

« Est-ce que j’ai la bouche toute bleue ? », demande-t-elle en riant.

Évidemment, l’esprit « sans compromis » que cultive l’animatrice dépasse largement son choix de boisson au royaume du houblon. Il s’exprime de manière beaucoup plus incarnée. Et aucune somme d’argent ne peut l’ébranler.

La preuve ? Lorsqu’elle s’est entendue avec TVA et Productions Déferlantes pour prendre les commandes de Sucré salé, ce printemps, Mélanie Maynard a décidé de quitter son micro à WKND 99,5 FM, une station qu’elle affectionnait pourtant particulièrement. Mais après huit années de radio, dont sept de quotidienne matinale, l’actrice de formation a choisi de privilégier sa famille, renonçant au « salaire intéressant » qui accompagne ce type de poste.

Dans un message livré en ondes quelques semaines avant son départ, au mois d’avril, la comédienne a déclaré qu’elle n’avait pas l’intention « d’être la plus riche du cimetière ».

« La radio le matin, c’est payant, déclare-t-elle en entrevue. J’aurais assuré ma retraite. Mais j’ai trop de choses à vivre. Et j’ai perdu ma sœur il y a deux ans. Ça m’a donné un petit coup de fouet. Elle a pris sa retraite, et trois ans plus tard, c’était terminé. Sa date de péremption est arrivée plus tôt que prévu. Pour moi, c’est devenu une urgence d’en profiter. Je veux m’amuser. »

Mélanie Maynard a déjà suivi ce schéma. C’était en 2010 et 2011, lorsqu’elle s’est tour à tour retirée des émissions Ça finit bien la semaine et Deux filles le matin, quand son père est mort, puis quand sa mère est tombée malade.

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Mélanie Maynard

J’ai toujours fait cette espèce de pacte : je n’ai pas envie d’avoir un coup de pelle dans la face. Je n’ai pas envie d’attendre d’avoir un cancer pour prendre du temps pour moi.

Mélanie Maynard

« Ça n’a jamais été une question monétaire, poursuit-elle. Je viens d’une famille très modeste. Je n’ai pas l’intention de sacrifier ma qualité de vie pour plus d’argent. Pour moi, c’est la recherche de l’équilibre à tout prix… même si ça m’appauvrit. »

À l’eau, les entrevues en pédalo !

Lundi prochain, Mélanie Maynard prendra la barre de Sucré salé, une institution de TVA qui amorce sa 22saison. Elle succède à Patrice Bélanger et Guy Jodoin, qui sont respectivement restés 8 et 13 années en poste. Bien qu’elle prenne un train qui roule à grande vitesse, une machine bien huilée qui rallie chaque soir 630 000 téléspectateurs, l’animatrice a voulu apporter sa couleur au format.

Premier changement majeur : à l’eau, les entrevues en pédalo ! Allergique aux flaflas, Mélanie Maynard n’entend pas « faire d’activités » avec ses invités. Elle souhaite plutôt engager une véritable discussion. « On n’ira pas cueillir des fraises ou traire une poule », résume-t-elle.

Son équipe a d’ailleurs reçu une consigne : ne jamais l’interrompre durant un entretien. Elle hésite, commet une bourde ou pose une mauvaise question ? On réglera le problème au montage, ou par l’entremise d’une « caméra confession » devant laquelle l’animatrice ou l’artiste interviewé pourra commenter, apporter une correction ou verbaliser ses états d’âme.

C’est une demande que je n’aurais pas pu faire il y a 10 ans. Les gens auraient dit : “Mais pour qui elle se prend, elle ?” Aujourd’hui, c’est différent. J’ai plus confiance en moi. Je n’ai plus peur.

Mélanie Maynard

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Mélanie Maynard pendant un tournage de l’émission Sucré salé

L’audace de TVA

Mélanie Maynard salue l’audace de TVA d’avoir recruté une quinquagénaire pour piloter son magazine culturel estival, un âge auquel les femmes sont souvent tablettées, souligne-t-elle.

« C’est quelque chose que je vois avec mes collègues, avec mes amies qui perdent leur emploi. C’est sûr qu’avec Sucré salé, je m’attends à recevoir beaucoup de commentaires qu’un homme ne recevrait jamais. Sur mon look, mon maquillage… Et c’est sûr que je vais continuer de mettre mon 120 $ par mois en teinture à cheveux. Parce que les gens ne sont pas prêts à voir une femme avec des cheveux gris ou des cheveux blancs à l’écran. »

(Un petit compromis, ici.)

À 51 ans, Mélanie Maynard estime être une meilleure intervieweuse qu’avant. Non seulement parce qu’elle a appris à gérer son trouble du déficit de l’attention, mais parce qu’elle a vieilli.

« Je m’intéresse aux gens pour vrai maintenant. Quand j’ai commencé, je répétais les questions qu’on m’avait préparées. Avec le temps, j’ai beaucoup moins d’insécurités. Ça fait tellement du bien ! »

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Mélanie Maynard, lors d’une pause retouche coiffure et maquillage durant le tournage de Sucré salé

Quête d’authenticité

Mélanie Maynard le répète à plusieurs reprises durant notre tête-à-tête : elle cherche à créer des moments (alerte au terme tendance/galvaudé) d’« authenticité » avec Sucré salé cet été. Est-ce qu’elle relèvera son pari ? On l’ignore. Mais chose certaine, en matière d’authenticité, elle donne l’exemple comme interviewée.

En effet, elle répond aux questions simplement et honnêtement. Est-ce qu’on l’a invitée à quitter Les enfants de la télé et Radio-Canada quand Sucré salé et TVA ont téléphoné ? Oui. Mais elle a refusé. Et l’offre est restée. Un privilège, reconnaît-elle.

Parlant des Enfants de la télé, Mélanie Maynard qualifie de « bonbon » sa première année aux côtés d’André Robitaille, en remplacement d’Édith Cochrane. « J’ai la chance d’avoir un coanimateur qui m’aime énormément, un coanimateur qui me donne toute la place que je veux. »

Grâce au rendez-vous nostalgie d’ICI Télé, elle croit que l’auditoire a découvert une nouvelle facette d’elle. « Des gens m’ont dit : “Mon Dieu ! On ne savait pas que tu pouvais être si douce et bienveillante.” Parce que dans l’industrie, on fait souvent appel à nous pour une seule et même chose. Moi, j’étais la fille pas de filtre, celle qui avait du “torque”, celle qui pouvait puncher à Piment fort. J’étais one of the boys. On ne m’avait jamais demandé [d’exploiter] mon côté plus empathique et plus doux. »

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Avec André Robitaille, aux Enfants de la télé

Bien qu’elle compte passer davantage de temps avec ses proches, Mélanie Maynard aimerait raviver sa carrière d’actrice au cours des prochaines années. Et pour y parvenir, elle a choisi de prendre les choses en main et d’écrire. « J’ai des idées de fictions. La comédienne n’est pas morte. Mais j’ai l’impression qu’il va falloir que j’écrive mon projet moi-même pour jouer ce que j’ai vraiment envie de jouer. »

Sans compromis, compris ?

Mélanie Maynard anime Sucré salé du lundi au vendredi à 18 h 30 à TVA. À compter du 22 mai.

Consultez le site de l’émission