La question émerge au terme d’une éreintante journée de 16 heures, après l’écriture d’une chronique, l’animation d’une quotidienne à la radio et l’enregistrement d’une émission de télévision : est-ce que Patrick Lagacé a l’impression de courir ?
Réponse du principal intéressé en tournant sur l’avenue Notre-Dame peu avant 23 h : « Oui, tout le temps. » Après un silence de quelques secondes, il précise sa pensée. « Je sais que ma vie est déséquilibrée, mais je suis bien là-dedans. »
À le regarder aller depuis notre rencontre chez Toi, Moi et Café à 7 h du matin, nous pouvons difficilement le contredire. Qu’il soit en train de pondre un article dans un resto agité en matinée, diriger une réunion de production à l’heure du midi ou aligner des entrevues en soirée, Patrick Lagacé paraît imperturbable.
Automne « surexposé »
En d’autres termes, Patrick Lagacé est, comme le veut l’expression, sur son X. Ou plutôt ses X.
Car cette saison, il occupe une place immense dans l’univers médiatique québécois. On peut le lire dans La Presse, le voir à Radio-Canada (La traque) et l’entendre au 98,5 FM (Le Québec maintenant). Il vient également de boucler la première saison du magazine d’affaires publiques Nos années 20 à Télé-Québec… et prépare le retour de Deux hommes en or.
« C’est l’automne le plus surexposé de toute ma vie », reconnaît le chroniqueur de 49 ans.
Nous l’avons déjà mentionné, Patrick Lagacé court. C’est d’ailleurs en mouvement, en conduisant sa voiture, qu’il répond à nos questions.
Je suis toujours pressé, mais je trouve ma zénitude là-dedans. Mon idée de l’enfer, c’est d’être pogné dans le parking d’un Costco un samedi après-midi.
Patrick Lagacé
L’épuisement professionnel ne semble pas l’inquiéter outre mesure.
« Quand je frappe des nids-de-poule qui affectent ma santé mentale, ce n’est jamais à cause du travail. Une grande partie des burn-out vient d’un manque de contrôle au travail, quand tes patrons harceleurs te mettent trop de pression, etc. Ce n’est pas mon cas. Je contrôle beaucoup de choses. Je contrôle mon univers, comme disait la chanson. »
« Une forme de hobby »
Au fil de notre conversation, nous constatons que Patrick Lagacé fait partie d’un club sélect d’individus : ceux qui aiment tellement leur emploi qu’ils ne sentent jamais qu’ils travaillent. Cette impression l’habite depuis qu’il a commencé sa carrière de journaliste au quotidien Le Droit en 1997.
« Ado, j’ai été plongeur. Je m’en souviens, je n’ai pas aimé ça. J’ai travaillé chez Woolco. J’ai aimé la gang, mais j’ai détesté le boulot. Pour moi, ça, c’était du travail. »
« Je suis chanceux. Je fais quelque chose de gratifiant. Je dis souvent : “Si jamais vous me voyez me plaindre, vous pouvez me gifler.” Ma job, c’est une forme de hobby. Elle m’amuse. Je n’ai pas besoin de divertissement parce qu’elle est divertissante. Je n’ai pas besoin de m’accomplir en faisant du bénévolat parce qu’elle a une utilité sociale. »
Dans ma job, je trouve un sens à ma vie.
Patrick Lagacé
Patrick Lagacé a toujours su qu’il voulait exercer le métier de journaliste.
« Je n’ai jamais pensé à faire autre chose, sauf pendant 30 secondes au secondaire, quand ma mère m’a suggéré d’aller en médecine. Mais quand j’ai reçu mes premières notes en chimie, je me suis rendu compte que je n’étais pas fait pour ça. »
Étonnamment, Patrick Lagacé n’avait pas d’objectif précis ou d’ambition dévorante en début de carrière.
Mon but, c’était de devenir chroniqueur. C’est tout. La télé, je n’avais jamais envisagé ça. La radio non plus.
« Affamé »
C’est en 2005, en remplaçant Benoît Dutrizac aux commandes des Francs-tireurs avec Richard Martineau, qu’il est devenu animateur télé.
Réalisateur de l’émission et ami personnel, André Saint-Pierre se souvient d’un « garçon affamé ».
« Il était affamé de parler, affamé de rencontres, et affamé d’apprendre les rouages d’un nouveau médium. C’était un gars de gang qui aimait travailler en équipe. »
Seize ans plus tard, rien n’a changé, soutient André Saint-Pierre, qui réalise La traque, une série documentaire dans laquelle Patrick Lagacé relate l’enquête ayant permis d’arrêter un criminel dangereux en 2009 après un meurtre, trois tentatives de meurtre, une prise d’otage et treize violations de domicile avec agression.
Quant aux raisons pour lesquelles Patrick Lagacé maintient la vitesse grand V, le réalisateur croit qu’il aime tout simplement être dans l’action.
« Il aime être entouré de gens stimulants. Il aime faire partie d’équipes au sein desquelles il sent qu’il accomplit quelque chose. »
On dirait qu’il conduit un véhicule avec une seule pédale, comme s’il n’avait pas encore trouvé le brake.
André Saint-Pierre, réalisateur de La traque
On trouve le même écho du côté du 98,5 FM Montréal, où Patrick Lagacé tient les rênes de l’émission du retour depuis 2019.
La chroniqueuse culturelle Catherine Beauchamp décrit l’animateur comme un collègue terre à terre doté d’une grande écoute, qui donne « beaucoup de crédit aux bonnes idées, autant en ondes que hors des ondes ».
Elle parle aussi d’un workaholic. « Il veut tout faire : écrire, animer, aller voir son fils jouer au hockey… Je crois que c’est quelqu’un qui a besoin de travailler pour être bien », affirme-t-elle.
Même en voyage
Quand Patrick Lagacé veut vraiment décrocher, il doit prendre l’avion. Et encore… Le travail le rattrape parfois, même à l’étranger.
En 2002, alors qu’il profite d’une semaine de repos aux îles Turks et Caicos, ses patrons au Journal de Montréal l’appellent pour l’informer qu’Éric Lapointe vient d’être arrêté en République dominicaine… à quelque 300 km de distance.
La tentation s’avère trop forte.
« J’ai pris un Cessna, je suis allé faire mon reportage, je suis revenu en fin de journée, et j’ai écrit mon article au Club Med. »
L’histoire se répète en juin 2016, alors qu’il visite l’Italie. P. K. Subban est échangé aux Predators de Nashville. Parce qu’il éprouve — avec son fils — une affection particulière pour l’étincelant défenseur du Canadien de Montréal, il attrape son iPhone et écrit une chronique entière.
« Je sais que ce n’est pas sain, mais j’en avais envie », explique-t-il.
« C’est quoi, son secret ? »
Durant notre journée d’observation, quelques personnes sont venues nous voir. Elles voulaient toutes savoir la même chose. « Pis ? Comment est-ce qu’il arrive à tout faire ? C’est quoi, son secret ? »
La capacité de travail de Patrick Lagacé est effectivement impressionnante. Elle épate notamment Marie-France Bazzo, qui produit Nos années 20. La présidente et fondatrice des Productions Bazzo Bazzo (Y’a du monde à messe) a appris à connaître son animateur au cours des derniers mois.
« Pour être aussi performant, il faut être très méthodique et organisé, souligne-t-elle. Mais pour moi, la plus grande découverte, c’est sa gentillesse. Patrick est polarisant, alors j’imaginais quelqu’un d’assez raide. Mais en réalité, c’est quelqu’un de bienveillant et d’attentionné. »
Et pourquoi court-il autant ?
« Ça prend un ego très en forme pour faire tout ce qu’il fait, répond Marie-France Bazzo. Je parle en connaissance de cause parce que je l’ai moi-même fait. C’est sûr qu’il faut aimer briller. Mais Patrick a également une soif de partager. Il est curieux, travaillant et agile. Quand tu possèdes tout ça, il faut que tu t’en serves. Ça devient un moteur. Tu veux l’utiliser pour faire avancer les choses, éclairer certains dossiers. C’est ta manière de faire bouger la société. »
Un marathon
C’est une question qui revient souvent quand on parle de Patrick Lagacé : à quoi ressemble son quotidien, compte tenu de tout ce qu’il doit accomplir ? Pour connaître la réponse, La Presse l’a suivi durant toute une journée. Et quelle journée !