Malgré quelques différences, l’adaptation française de Fugueuse demeure fidèle à l’original québécois. C’est ce que l’on constate après avoir regardé cette nouvelle version, qui débarque en grande pompe sur TF1 jeudi soir.

Comptant six épisodes d’une heure, le remake français du drame de TVA raconte la descente aux enfers d’une adolescente de 16 ans prénommée non pas Fanny, mais plutôt Léa.

Comme ce qu’on nous avait proposé au Québec en 2018, cette dernière vient d’une famille stricte, mais aimante. Intelligente et débrouillarde, elle mène la vie d’une petite fille modèle de banlieue jusqu’à ce qu’elle tombe sous l’emprise de Niko, un rappeur en herbe/proxénète professionnel. Ce dernier la manipule et l’entraîne dans un monde composé de fêtes arrosées, de drogues et, surtout, de prostitution.

Si Fugueuse connaît un aussi grand succès en France qu’au Québec, la série catapultera la carrière de Romane Jolly. Largement inconnue du grand public, la comédienne crève l’écran dans le rôle qui a permis à Ludivine Reding d’accéder au statut de star en 2018. Jolly convainc à chacun des stades du parcours en chute libre du personnage, autant en enfant pure, pétillante et candide qu’en adolescente rebelle, troublée et perdue.

PHOTO MARLÈNE GÉLINEAU PAQUETTE, TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK DE L’ÉMISSION

Jean-François Ruel (Damien) et Ludivine Reding (Fanny) dans Fugueuse, la série originale québécoise présentée à TVA en 2018

Son partenaire de jeu, le mannequin Willy Cartier, ne s’en tire pas aussi bien. Son Niko s’avère beaucoup plus beige et infiniment moins charismatique que l’inoubliable Damien de Jean-François Ruel, alias Yes McCan. Résultat : on peine à comprendre pourquoi ce Casanova de bas étage inspire autant d’amour aveugle chez Léa.

Sceau d’approbation

Cette première adaptation étrangère de Fugueuse, qui sera diffusée à heure de grande écoute, reçoit le sceau d’approbation de Michelle Allen. Jointe au téléphone, l’auteure de l’œuvre originale avoue s’être laissée prendre au jeu.

« Les punchs sont bons. Bien entendu, je sais ce qui va arriver, mais je suis happée pareil ! », dit-elle en rigolant.

Michelle Allen remarque que l’équipe derrière cette nouvelle incarnation a modifié certains aspects du scénario initial, notamment par rapport au chemin emprunté pour faire sombrer l’héroïne dans l’enfer de l’exploitation sexuelle. Alors qu’au Québec, Natacha (Kimberly Laferrière) recrutait activement Fanny au centre commercial, en France, son pendant féminin, défendu par Margot Dufrene, joue les entremetteuses bien malgré elle. Et aussitôt qu’elle voit Léa s’enfoncer, elle tente de stopper, en vain, l’engrenage.

C’est très intéressant, amusant et valorisant de voir qu’un projet qu’on a fait ici – en pensant au public d’ici – résonne ailleurs. C’est spécial comme sentiment.

Michelle Allen, auteure de Fugueuse

Parmi les autres différences dignes de mention, signalons le père de Léa. Interprété par Michaël Youn, il s’avère beaucoup plus bouillant et intransigeant que celui joué par Claude Legault. Et alors qu’au Québec, Fanny se teignait les cheveux pour éviter d’être reconnue, Léa préfère porter une perruque.

Du côté des ressemblances frappantes, mentionnons la façon dont chaque épisode commence : avec un saut en avant pour montrer la vitesse à laquelle les choses peuvent déraper. La série débute d’ailleurs de manière brutale, en révélant une Léa mal en point et effrayée, prisonnière d’une chambre particulièrement crade, alors qu’on entend une autre fille recevoir une flopée de coups.

Une série « coup de poing »

Fugueuse atterrira en ondes une semaine après avoir été présentée au Festival de La Rochelle. Selon le producteur de l’original québécois, François Rozon, qui était sur place, le remake a reçu un accueil chaleureux. Les premières critiques (AlloCiné, Marianne) parlent d’ailleurs d’une série « coup de poing » qui traite d’un « sujet de société important ».

« C’est venu chercher les gens, affirme le président d’Encore Télévision. Après la présentation, une femme m’a dit qu’elle n’avait pas arrêté de penser à sa fille. C’est la même réaction qu’on avait eue au Québec. Fugueuse, c’est un show qui crée une prise de conscience, comme quoi ça peut arriver à n’importe qui. »

Selon François Rozon, les dirigeants de TF1, première chaîne de France en matière d’audience, font preuve d’audace en diffusant cette série.

« Les gens du milieu sont contents de voir qu’ils prennent ce risque. Ils applaudissent la série. Ils espèrent qu’elle va avoir du succès, parce que si c’est le cas, TF1 va vouloir prendre encore plus de risques. C’est bon pour tout le monde. »

Réalisé par Jérôme Cornuau (Le mystère du lac), ce nouveau Fugueuse est produit par Vema Production, la boîte derrière l’adaptation d’une autre série de Michelle Allen, Pour Sarah. Cette dernière avait cartonné sur TF1 en 2019, attirant jusqu’à 4,4 millions de téléspectateurs.