Durer et se réinventer à la télévision est tout un défi. On dit souvent qu'il est difficile pour les femmes de vieillir à l'écran, mais de rares contre-exemples existent. Céline Bonnier en est un.

Dans L'heure bleue, le nouveau téléroman d'Anne Boyer et de Michel d'Astous, réalisé par Stéphan Beaudoin, l'actrice, qui compte 30 ans de métier, se réinvente, délaissant complètement son personnage de Suzanne, prisonnière à Lietteville, pour incarner Anne-Sophie, une mère en deuil de son fils mort happé par une voiture.

«Je trouve ça le fun qu'on ait à l'écran une femme de 50 ans, pas remontée, pas rien, à qui on ne demande pas d'être [surhumainement forte]. Les choses de la vie sont vraiment difficiles et c'est ce qu'on montre. J'ai personnellement perdu mes parents récemment et je n'apprends rien à personne en disant que le deuil est souvent occulté dans notre société», explique Céline Bonnier à propos de son nouveau personnage.

«La mort, on en parle à la télé, on en parle dans les nouvelles, mais on aborde peu le deuil. Comment le vit-on? On a tendance à croire que c'est zéro sexy [comme sujet]. Là, c'est ce qu'on aborde de front. Je trouve ça vraiment intéressant», dit-elle.

Sur quoi repose un succès?

Pourquoi certaines actrices réussissent-elles l'exploit de durer à la télévision, alors que d'autres n'ont pas cette chance? Est-ce un heureux mélange de talent, de disponibilité et de curiosité? Difficile à répondre, dit Céline Bonnier en toute humilité, préférant parler de sa démarche artistique plutôt que d'essayer des comparaisons boiteuses.

«C'est difficile à expliquer et c'est aussi gênant à expliquer. Dans mon cas, j'ai toujours été curieuse et ouverte à la différence. J'aime les projets qui sortent de l'ordinaire», dit-elle, ajoutant que vieillir n'est pas pour elle un fardeau. 

«À 50 ans, tu N'as plus besoin de prouver que tu as ta place.»

L'art (avec un grand A, sous toutes ses formes) est central à la vie de Céline Bonnier. Ce qui l'anime, raconte-t-elle, est l'émotion qui naît chez ceux et celles qui entrent en contact avec une oeuvre artistique, que ce soit en jeu ou en arts visuels, par exemple.

Récemment de passage au Centre national des arts, à Ottawa, elle a visité l'exposition des cinq finalistes du prix Sobey pour les arts 2016 présenté au Musée des beaux-arts du Canada. «J'adore ça les musées, quand j'y vais, j'apprends toujours, j'ai souvent des coups de foudre», dit-elle au détour, entre deux idées.

L'un des artistes, poursuit Céline Bonnier, exprimait quelque chose qui résume parfaitement sa démarche artistique.

«Il faut toucher [les gens] pour susciter un intérêt pour l'idée que tu proposes. Tu es obligé, en tant qu'artiste, de toucher à la fine ligne qui réveille une émotion chez l'autre. C'est cette émotion qui nourrit ensuite un intérêt pour ton idée, ton concept et ta réflexion», explique-t-elle.

Ce qui est important, ajoute l'actrice, c'est d'abord et avant tout de susciter des réflexions, plutôt que répondre à des questions. «Dès qu'une oeuvre est moralisatrice, instinctivement, on décroche. Si tu vas voir un show et que tu te dis "voyons, le metteur en scène est un peu curé", tu auras instinctivement des réactions rébarbatives», souligne-t-elle.

Des personnages qui partent de soi

Les rôles qu'a interprétés Céline Bonnier au cours de sa carrière forment un grand spectre d'émotions. Chaque fois, elle part de son vécu, de ce qu'elle a enregistré au fil du temps, pour bâtir ses personnages.

«Ce n'est pas de la grosse recherche en ce sens où ça fait 30 ans que je fais ce métier. C'est devenu une seconde nature. J'ai "stocké" beaucoup d'information et j'ai l'impression parfois de fouiller dans une bibliothèque quand je prépare mes rôles», dit-elle.

À la télévision depuis de nombreuses années, Céline Bonnier est une artiste d'opinion qui n'hésite pas à répondre aux questions les plus sensibles, même lorsque celles-ci visent le milieu dans lequel elle travaille. Se disant adepte des artistes qui osent, qui ont de l'audace, nous lui demandons si l'offre télévisuelle est justement assez audacieuse présentement, ou si elle pourrait l'être un peu plus.

«Moi, je suis prêt à beaucoup plus d'audace, répond-elle spontanément. On a une télé qui a un mandat, qui est une télé publique. Elle pourrait se permettre ça. [...] Quand Grande Ourse est sortie, j'étais prête. Je salivais. J'applaudissais même si je ne comprenais pas tout.»

«[Certes], il y a Jean-René Dufort et Marc Labrèche qui poussent un peu les limites au niveau du rire, mais ça, ça va. On est capable de pousser les limites quand il est question de rire, mais pouvons-nous aussi le faire pour d'autres formes de réflexions [artistiques]? [...] Si on a peur, c'est peut-être une bonne raison d'y aller», juge l'artiste.

Son actualité

> Céline Bonnier est en vedette cet hiver dans L'heure bleue, les mercredis, 21 h, à TVA.