Chaque lundi, La Presse Affaires invite un professionnel du secteur des placements à discuter de ses principales préoccupations concernant l'économie et les marchés financiers. Notre invité cette semaine : Martin Bray, gestionnaire de portefeuille chez Valeurs mobilières Desjardins.

Que suivez-vous le plus ces temps-ci ?

Au-delà des « gros bruits » de l'actualité économique et politique, qui bousculent les marchés d'une semaine à l'autre, je demeure surtout aux aguets de toute indication de poussée inflationniste ou de surchauffe économique, aux États-Unis en particulier.

Parce qu'un retour de l'inflation et une remontée marquée des taux d'intérêt seront les principaux déclencheurs de la fin du cycle haussier actuel. Et jusqu'à maintenant, les marchés boursiers me semblent un peu insouciants à cet égard, étant trop distraits par l'actualité à très court terme.

Pourtant, lors de sa récente annonce de hausse d'un quart de point de son taux directeur, la Réserve fédérale américaine (Fed) a réitéré son intention d'y aller avec deux autres hausses subséquentes, et peut-être même une quatrième cette année si la croissance économique et l'inflation s'accéléraient.

Un tel scénario, s'il s'avère, risque d'être une mauvaise surprise dans les marchés financiers, ce qui pourrait gâter sérieusement la prochaine fin de cycle.

Y a-t-il encore du potentiel en Bourse ?

Mon scénario demeure que la poursuite de la croissance économique mondiale, jumelée aux baisses d'impôts et aux menaces protectionnistes, générera des poussées inflationnistes. Aussi, une surchauffe économique aux États-Unis pourrait accélérer les hausses de taux, ce qui finirait par faire entrer l'économie en récession.

J'estime que nous sommes encore à 12 ou 18 mois d'une telle récession. Il est donc encore temps de profiter des marchés boursiers, mais à condition d'être très sélectif envers de nouveaux placements et la répartition d'actifs déjà en portefeuille.

À mon avis, le marché boursier pourrait procurer des rendements situés entre 8 et 10 % en 2018 avant l'arrivée du prochain cycle baissier, mais avec davantage de volatilité.

Le rééquilibrage des marchés de février et de mars a remis leur compteur à zéro depuis le début de l'année. En fait, la correction de février s'est avérée saine puisqu'elle est venue rééquilibrer la situation. Les marchés avaient surévalué les répercussions des baisses d'impôts du gouvernement américain, tout comme ils avaient sous-estimé l'impact des hausses de taux d'intérêt.

Pour la suite, je continue de croire qu'il est peu probable d'avoir un marché baissier en l'absence d'une récession, mais le risque de déceptions augmentera au fur et à mesure. Alors que s'amenuisera l'effet des baisses d'impôts du gouvernement Trump en 2019, les marchés pourraient être déçus des profits des entreprises et moins enclins à investir à un multiple moyen de 18 fois le bénéfice par action.

Quel est l'impact dans votre gestion de portefeuilles ?

Dans cette dernière phase d'un cycle haussier, je recommande à mes clients-investisseurs de réduire graduellement la portion en actions afin d'y inclure des stratégies alternatives, comme les prêts privés, les infrastructures, l'immobilier, les terres agricoles et forestières.

Le but est de conserver un objectif de rendement intéressant à long terme tout en réduisant l'impact de la volatilité à court terme.

Dans un deuxième temps, les secteurs plus défensifs, comme les télécommunications, la santé et la consommation de base, devront être privilégiés au détriment de l'énergie, des financières et de la technologie.

Je recommande également de réduire la portion corporative des placements à revenus fixes afin de protéger cette portion du portefeuille. Les échéances courtes sont encore à privilégier en attendant que les taux d'intérêt augmentent. Ces placements obligataires pourront alors être renouvelés à de meilleurs taux dans les 12 à 18 prochains mois.

Et la Bourse canadienne ?

Le marché canadien accuse un retard de 6 % environ depuis le début de l'année, alors que le marché américain et le reste du monde montrent une légère hausse.

La Bourse canadienne est victime de sa forte concentration dans l'énergie, les matières premières et les banques.

Le secteur canadien de l'énergie souffre de ses difficultés à acheminer ses produits pétroliers vers les marchés. Quant aux banques, elles subissent les répercussions des craintes reliées au surendettement des ménages.

Finalement, les investisseurs étrangers boudent le Canada par méfiance face aux menaces protectionnistes de son puissant voisin américain.

DANS L'ACTUALITÉ BOURSIÈRE CETTE SEMAINE

RÉSULTATS TRIMESTRIELS

(échantillon d'entreprises en vue)

À LA BOURSE CANADIENNE

• Mercredi : Reitmans (mode féminine)

• Jeudi : Corus Entertainment, Quincaillerie Richelieu

INDICATEURS ÉCONOMIQUES

AU CANADA

• Jeudi : balance commerciale (import/export, fév.)

• Vendredi : marché de l'emploi (mars)

AUX ÉTATS-UNIS

• Lundi : activités manufacturières (sondage ISM, mars)

• Jeudi : balance commerciale (import/export, fév.)

• Vendredi : marché de l'emploi (mars)

Sources : Thomson Reuters, billets d'économistes bancaires