Modestes? Solides? Décevants? Rassurants?

Comme rarement auparavant, la divergence d'opinions s'exprime dans les qualificatifs que les analystes attribuent aux prochains résultats attendus des principales banques canadiennes pour leur fin d'exercice 2014.

Ces résultats, toujours très surveillés dans le tout Canada inc. de même que par les investisseurs étrangers sur la Bourse canadienne, seront annoncés en rafale à partir de mardi prochain.

Mais après quelques mois plus volatils sur les marchés financiers et des doutes accrus quant à la conjoncture économique au Canada, les analystes ne manquent pas de motifs raisonnables pour diverger d'opinion dans leurs prévisions de résultats.

Une croissance «modeste»

Bien sûr, les montants de bénéfice net attendu parmi les six principales banques s'annoncent encore faramineux en comparaison des autres grandes entreprises canadiennes.

Autour de 32,5 milliards de dollars en tout parmi les six grandes banques. Et variant de montants de 8 milliards environattendus aux banques Toronto-Dominion (TD) et Royale jusqu'à 1,5 milliard de profit anticipé à la Banque Nationale.

En contrepartie, c'est le taux moyen de croissance de ces bénéfices, sous les 7%, qui s'annonce presque «modeste» par rapport à ceux des exercices précédents.

La raison? «Les principales tendances d'affaires du secteur bancaire au Canada étaient très mitigées en fin d'exercice», résume Doug Young, analyste des banques chez Valeurs mobilières Desjardins à Toronto.

À l'instar de ses collègues d'autres firmes, Doug Young souligne quelques éléments considérés favorables pour les prochains résultats des banques: rendement relativement correct des activités au détail au Canada (consommateurs, PME) malgré la croissance ralentie de l'économie, bonne santé relative de leurs vastes actifs en prêts au Canada, enclenchement des efforts de réduction des dépenses d'exploitation en prévention d'une croissance moindre des revenus.

À ce sujet, toutefois, l'analyste John Aiken, du bureau de Barclays à Toronto, rappelle que le préavis de frais spéciaux de rationalisation émis par la Banque Scotia au début de novembre a «atténué les attentes» à l'égard des six banques.

Dans la foulée, les analystes se disent préoccupés de l'impact de la volatilité des marchés boursiers cet automne sur les résultats des activités habituellement très lucratives des «marchés financiers» dans les principales banques.

Les analystes appréhendent aussi l'impact de cette volatilité boursière au quatrième trimestre de 2014 - terminé le 31 octobre - sur la performance à court terme des activités de gestion de patrimoine des banques.

Or, dans le secteur des services financiers au Canada, et en particulier les grandes banques, la gestion de patrimoine est devenue l'un des principaux vecteurs de croissance des revenus et des bénéfices dans le marché des services aux particuliers et aux entrepreneurs.

Les actifs à l'étranger

Par ailleurs, les performances des actifs à l'étranger de quelques banques canadiennes suscitent aussi des attentes mitigées parmi les analystes.

Ceux-ci accordent une attention particulière au rendement des activités aux États-Unis de la Banque de Montréal et de la TD, grossies considérablement ces dernières années par développement interne et par acquisitions.

Une croissance survenue juste à temps, souhaite-t-on, pour profiter du regain de la croissance économique aux États-Unis après des années de récession et de stagnation.

En contrepartie, la performance des activités de la Scotia en Amérique latine, elles aussi grossies considérablement depuis quelques années, suscitent des doutes au fil de la détérioration de la conjoncture économique dans certains pays.

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Résultats prévus des six grandes banques

(pour l'exercice terminé le 31 octobre, en ordre de l'actif récent)

Banque (actif récent en $) Revenu net (var. un an) Bénéfice net (var. un an)

Toronto-Dominion (921 milliards) 27,2 milliards (+12%) 7,9 milliards (+20%)

Royale/RBC (913 milliards) 33,8 milliards (+20%) 8,8 milliards (+6%)

Scotia (791 milliards) 23,3 milliards (+9%) 6,8 milliards (+6%)

BMO (586 milliards) 17,1 milliards (+5%) 4,2 milliards (+ 0,2%)

CIBC (405 milliards) 13,4 milliards (+5%) 3,4 milliards (+0,3%)

Banque Nationale (198 milliards) 5,6 milliards (+8%) 1,48 milliard (+ 0,7%)

Bénéfice total prévu: s.o. 32,58 milliards (+7%)

Source : Bloomberg

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À surveiller

C'est à la Banque Royale que les gains de revenus anticipés sont les plus grands pour l'exercice terminé le 31 octobre, mais c'est à la TD que la progression des bénéfices sera la plus forte, prévoient les analystes. Voici ce qu'il faudra surveiller au cours de la prochaine ronde de résultats bancaires.Banque TD

> Le contrôle de la croissance des dépenses d'exploitation;

> La croissance de l'actif et des résultats dans l'important réseau de succursales dans l'est des États-Unis;

> Le rendement des activités au détail au Canada malgré le ralentissement de l'économie.

Banque Royale

> le rendement des activités en gestion de patrimoine malgré le recentrage en cours;

> le rendement des activités de banque d'affaires, malgré la raréfaction des gros investissements dans les ressources et l'énergie;

> la mise à jour des perspectives d'acquisitions en gestion de patrimoine.

Banque Scotia

> le rendement des importantes activités bancaires en Amérique latine, malgré la croissance économique affaiblie dans la région;

> la mise à jour des ambitions d'acquisitions en Amérique latine pour profiter de la dévaluation conjoncturelle des actifs bancaires;

> la croissance et le rendement des activités de crédit aux consommateurs au Canada.

BMO

> la croissance des parts de marché et le rendement des activités au détail au Canada;

> le rendement des activités bancaires dans la région de Chicago et du Midwest avec le regain de l'économie américaine;

> le rendement des récentes acquisitions en gestion de patrimoine.

CIBC

> le rendement des activités au détail au Canada après la cession des activités de cartes de crédit commanditées par Aéroplan;

> la mise à jour par le nouveau. président Victor Dodig des ambitions d'acquisitions en gestion de patrimoine, aux États-Unis notamment

> le rendement des activités dans les marchés financiers, après plusieurs trimestres de priorité à la réduction des risques

Banque Nationale

> la performance des activités au détail au Québec face à la stagnation de l'économie

> le rendement et la perspective de croissance des activités de marchés financiers, après plusieurs trimestres avantageux

> la hausse probable du dividende trimestriel

Source: Bloomberg