Rouge! Les Bourses mondiales ont cédé 4,5%, hier, terminant dans un bain de sang un été meurtrier pour les investisseurs. De nouveau, ce sont les craintes d'une récession mondiale et l'impasse dans la crise de la dette souveraine en Europe qui ont fait souffrir les marchés.

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Les actions canadiennes ont sombré à leur creux de l'année. L'indice S&P/TSX composé a perdu 3,3%, ou 392,5 points, pour échouer à 11 562,51 points. La Bourse canadienne qui a flanché de 19% depuis son sommet d'avril dernier, est à un cheveu de basculer dans un marché baissier, caractérisé par un repli de 20%.

Mais l'ours qui symbolise le marché baissier a officiellement mis sa patte sur les parquets boursiers mondiaux, hier. L'indice MSCI All-Contry World est en baisse de 22% par rapport à son sommet de mai dernier.

En Europe, c'est pire encore. Avec le plongeon de 4,9% hier, l'indice EuroStoxx 50 est en baisse de 35% depuis son sommet de février dernier. Il se trouve presque aussi bas que lors des pires moments de la crise financière en 2009.

Opération Twist

L'opération Twist dévoilée mercredi par la Réserve Fédérale américaine (Fed) a été très mal accueillie par les investisseurs qui doutent de son efficacité.

La Fed a l'intention de vendre pour 400 milliards US d'obligations du gouvernement américain d'une échéance de moins de trois ans, pour racheter des obligations à plus longue échéance, soit entre 6 et 30 ans. L'objectif est de faire baisser les taux à long terme, pour stimuler l'économie en encourageant les entreprises et les consommateurs à emprunter.

«Mais l'opération Twist aura un impact limité. Les entreprises prennent leurs décisions d'investissement en fonction des perspectives de croissance économique, et non pas en fonction des taux d'intérêt», estime David Driscoll, vice-président et gestionnaire d'actions étrangères chez Seamark Asset Management.

Les investisseurs ont plutôt retenu les commentaires sombres de la Fed sur l'économie. «Le gouvernement a fait ressurgir le spectre d'une nouvelle récession, alors que la plupart des économistes prévoyaient une longue période de faible croissance», rapporte M. Driscoll.

La Fed a aussi surpris les marchés en décidant d'acheter des obligations avec une échéance aussi longue.

Près du tiers des achats de la Fed viseront des Treasuries de 20 à 30 ans, note Ed Sollbach, stratège chez Valeurs mobilières Desjardins.

Cela a fait reculer le rendement des obligations de 30 ans de 0,44% en deux jours, à un creux de 2,79%. Il s'agit d'un des reculs les plus marqués depuis la fin des années 70.

Les entreprises qui ont des dettes profiteront d'une baisse de leurs coûts d'emprunt, souligne M. Sollbach. Mais, surtout, les propriétaires qui ont un bon dossier de crédit pourront refinancer leur maison et bénéficier d'une baisse de leurs paiements mensuels.

Par contre, l'opération Twist risque de miner les profits des banques. «Les banques empruntent à court terme et prêtent à long terme. L'écart entre les taux d'intérêt à court et à long terme leur permet de faire des profits. Si cet écart rétrécit, leur marge sera comprimée», dit M. Driscoll.

Au Canada, le secteur financier a subi une baisse de 2,3% à la Bourse. Mais les banques ont été bien plus malmenées aux États-Unis. L'agence de crédit Moody's a décoté trois poids lourds, soit Bank of America, Wells Fargo et Citigroup, considérant que les probabilités sont plus grandes que le gouvernement les laisse tomber dans une situation de crise.

En quête de sécurité, les investisseurs se sont précipités vers le dollar américain qui régnait en maître sur le marché des devises, hier. Face à la vigueur du billet vert, le huard est tombé sous la parité, terminant la journée à 97,09 cents US.

Le raffermissement du dollar américain a aussi fait chuter le prix des ressources naturelles. À la Bourse canadienne, le secteur du pétrole a perdu 3,8%, tandis que le secteur des matériaux de base s'enfonçait de 6%.

La demande pour les ressources risque d'être freinée par le ralentissement de l'économie mondiale. Hier, l'indice des décideurs d'achats en Europe a d'ailleurs baissé sous la barre de 50 points, indiquant une contraction de l'économie en Europe.

C'est sans compter que les pays de l'Union européenne ont du mal à trouver une solution pour régler leurs problèmes d'endettement.

Le ministre des Finances du Canada, Jim Flaherty, montre d'ailleurs des signes d'impatience. «Il faut plus de détermination de la part des dirigeants des pays de l'Europe pour appliquer leur plan de réduction de la dette. En particulier, la Grèce doit mettre son plan de réduction en oeuvre», a affirmé M. Flaherty.

L'impasse actuelle crée de l'incertitude chez les investisseurs, ce qui nuit à la reprise économique mondiale, estime le grand argentier du pays qui participait, hier soir, à une rencontre des ministres des Finances et des gouverneurs des banques centrales des pays du G20. Aujourd'hui, M. Flaherty assistera aux réunions annuelles du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale.

- Avec la collaboration de Joël-Denis Bellavance