Contrairement à la tentative de prise de contrôle de Potash par l'australienne BHP Billiton, les autorités canadiennes et québécoises ne devraient pas bloquer la fusion du groupe TMX avec la Bourse de Londres, mais elles devraient néanmoins exiger des engagements fermes quant au maintien des centres de décision au Canada, croient les experts à qui nous avons parlé.

«Le contrôle sur les finances, c'est quelque chose d'important pour un pays, dit Me Jean-Pierre Chamberland, associé en droit des valeurs mobilières du bureau de Montréal chez Fasken Martineau.

L'avocat rappelle que l'annonce de l'achat de la Bourse d'Australie par la Bourse de Singapour en octobre 2010 a soulevé un débat en Australie. «On attend encore le feu vert de l'organisme qui contrôle les investissements étrangers. Il y a des voix qui se font entendre pour dire qu'une Bourse est un actif vital pour l'économie et le pays. Ces gens soutiennent que la transaction ne devrait pas être autorisée parce que l'Australie va perdre la mainmise sur sa destinée. C'est très probable que le même débat fasse surface au Canada», croit-il.

La fusion Toronto-Londres devra obtenir l'aval à la fois du Bureau de la concurrence et passer le test de la Loi sur Investissement Canada. En vertu de cette loi, il doit y avoir un bénéfice net pour le Canada. À première vue, d'après Me Chamberland, la Bourse de Londres semble favorisée par la transaction. L'Ontario et le Québec ont aussi à se prononcer.

D'après Michel Nadeau, directeur général de l'Institut de la gouvernance des organisations privées et publiques, il est impératif que le gouvernement du Québec obtienne des garanties que le développement des produits dérivés de la nouvelle entité se fasse à Montréal à partir de la plateforme Sola et à partir de la chambre de compensation de Montréal.

Par ailleurs, M. Nadeau ne croit pas que la Caisse de dépôt ait à intervenir dans le débat qui pourrait s'engager. De son côté, Maxime Chagnon, porte-parole, a répondu que la Caisse «était en train de prendre connaissance de la proposition et que pour le moment il était prématuré de commenter».

Le directeur de l'Institut de la gouvernance et ancien numéro deux de la Caisse de dépôt regarde d'un oeil plutôt favorable la transaction. «Si l'acquéreur avait été la Bourse de New York, l'effet aurait été dramatique pour Montréal et Toronto, car New York aurait tout rapatrié.» La beauté d'avoir Londres comme acquéreur, d'après lui, est qu'elle occupe peu de place dans le marché des produits dérivés.

»Rien de stratégique»

Pour M. Nadeau, le Groupe TMX ne représente pas un actif stratégique au même titre que Potash qui possède 50% des réserves mondiales de potasse. «La Bourse de Toronto ne va pas bien. Elle n'avait pas d'alliance stratégique à l'international. Elle se faisait gruger des parts de marché. Elle était dans un cul-de-sac», dit-il.

Une opinion que partage Jean-Marie Gagnon, professeur émérite de finances de l'Université Laval «Ce n'est rien de stratégique, c'est seulement un endroit pour faire des enchères», dit-il.

Le professeur à la retraite s'inquiète toutefois pour Montréal. «Est-ce que des emplois dans le secteur financier vont s'éloigner? C'est une question importante.».

La transaction sera positive pour le Canada, poursuit-il, si elle favorise des inscriptions au TSX et si elle favorise le flot continu de transactions à Toronto. «La transaction tournerait à l'avantage de tout le monde», fait valoir M. Gagnon.