Forcé de s'appuyer largement sur des firmes externes pour ses plans et devis et la surveillance de chantiers, le ministère des Transports du Québec (MTQ) est «vulnérable», observe la vérificatrice générale, qui n'a toutefois pas décelé de «graves irrégularités», de malversation ou de collusion dans l'attribution des contrats.

Dans son rapport déposé hier à l'Assemblée nationale, la vérificatrice Guylaine Leclerc constate que le ministère des Transports aurait beaucoup de procédures d'encadrement à améliorer. On s'inquiète essentiellement de l'étanchéité des contrôles, à partir de l'étude d'un échantillon de 80 contrats.

«L'importance des contrats accordés aux firmes externes, dans le contexte où le Ministère demeure vulnérable sur le plan de l'expertise, soulève des préoccupations quant à la capacité du Ministère à encadrer adéquatement ces firmes», observent les vérificateurs.

«Cet encadrement est d'autant plus essentiel que le Ministère confie aux firmes externes des responsabilités importantes comme la conception des plans et devis et la surveillance des chantiers. Pour près de 95% de la valeur totale des contrats de construction, ces deux activités de conception et de surveillance étaient confiées aux firmes externes», devait préciser Mme Leclerc en conférence de presse.

Les estimations de coûts pour ces deux activités «ne sont pas établies avec toute la rigueur nécessaire», ajoutera Mme Leclerc.

Cette «vulnérabilité», cette dépendance aux firmes externes n'est pas nouvelle, elle avait déjà été constatée dans un précédent rapport, en 2009, dont les recommandations n'ont pas toutes été appliquées, observe-t-elle.

Contrats de gré à gré

Mme Leclerc parle d'un «problème majeur dans certains dossiers» et montre du doigt l'attribution des contrats pour la pose d'enrobés (asphaltage) et le déneigement. Pour ces travaux, on accorde les contrats de gré à gré, et le Ministère devrait s'interroger davantage sur la possibilité de solliciter plus de soumissions. Pour la pose d'enrobés, on trouve 70 contrats pour 53,6 millions de dollars; pour le déneigement, on en trouve 88, pour une valeur de 36,4 millions.

En construction, plus de la moitié des 53 contrats vérifiés étaient envoyés à l'externe pour la conception et les plans et devis - la valeur de ces contrats externe représentait 94% du total.

Pour les contrats de construction ou de services professionnels, «les estimations ne sont pas établies avec toute la rigueur nécessaire». Quand l'évaluation est faite à l'externe, le Ministère n'a pas les moyens d'en vérifier la rigueur, observe Mme Leclerc.

Le ministère des Transports reste le plus important «donneur d'ouvrage» au Québec, avec 3038 contrats de plus de 25 000 $ accordés, pour un total de 1,6 milliard, dont 71% vont à la construction. Depuis 2013, la valeur des contrats accordés pour les services professionnels a baissé, passant de 318 millions en 2013-2014 à 251 millions l'année suivante et à 195 millions en 2015-2016.

Rencontres avec Annie Trudel

Les employés du Vérificateur général du Québec ont rencontré à deux reprises Annie Trudel, qui avait dénoncé des irrégularités, l'opacité du Ministère, le fractionnement injustifié de contrats et l'embauche d'anciens employés. À l'époque, fraîchement nommé, le ministre Laurent Lessard avait promis de «faire le ménage» dans son nouveau ministère.

Dans sa réponse au rapport de la vérificatrice, geste inusité, on rejette en bloc les allégations de la lanceuse d'alerte : «Selon nous, les allégations de graves irrégularités portées [à l'endroit du MTQ], tant en matière de fractionnement de contrats que d'opacité des systèmes ou de collusion, s'avèrent sans fondement.» Le Ministère ajoute toutefois qu'il reconnaît comme la vérificatrice que «ses pratiques en matière de gestion contractuelle sont perfectibles».

Sur l'«opacité» dénoncée il y a un an, les employés du Vérificateur général du Québec relèvent que la structure de contrôle reste très complexe : les montants peuvent diverger en cours de route selon la banque de données consultée, mais en fin de parcours, les colonnes de chiffres se trouvent conciliées.

Mme Leclerc souligne aussi que le problème de fractionnement de contrats dénoncé par Mme Trudel n'a pas été observé dans l'échantillon des contrats scrutés par son équipe. Quant à l'embauche d'anciens employés du Ministère, elle pourrait être mieux encadrée, mais le problème reste marginal, comprend-on.