Justin Trudeau ne croit pas être allé trop loin en traitant de raciste une femme qui lui réclamait un remboursement aux Québécois pour l'accueil des migrants en provenance des États-Unis.

«Jamais on ne devrait accepter la peur et la division comme outil politique», a-t-il martelé en associant les commentaires de la citoyenne au discours politique de droite.

Le premier ministre s'est vu obligé de revenir sur l'incident lors d'un point de presse à Ottawa, lundi matin. M. Trudeau était sur les lieux de la première pelletée de terre du nouvel entrepôt d'Amazon au Canada. Plusieurs questions des journalistes ont porté sur cette altercation dont les images circulent dans les médias sociaux.

Il a parlé de populisme et de «menteries». Et il a dit qu'il était de son devoir de dénoncer ce genre de propos.

«Je pense que c'est important de comprendre qu'on est dans un moment politique où l'approche basée sur la peur, sur la division, sur la méfiance envers l'autre, sur le populisme, (...) sur des vérités partielles ou des mensonges, peut être très dangereuse pour une société», s'est-il justifié en soulignant qu'il respectait «la diversité des perspectives politiques».

Il est revenu sur la question des migrants, assurant, une fois de plus, qu'il n'y a pas de crise, et a accusé ceux qui tentent d'insinuer le contraire d'être irresponsables.

«Nos règles continuent à s'appliquer à chaque personne qui arrive et on traite les dossiers à fond de chaque personne qui arrive, quelle que soit la façon dont elle arrive», a assuré, une fois de plus, M. Trudeau.

Le député conservateur Pierre Paul-Hus a réagi sur les réseaux sociaux lundi après-midi. La question de la dame, à son avis, n'a «rien à voir avec l'intolérance et le racisme».

La femme qui a apostrophé M. Trudeau est Diane Blain, une citoyenne membre du groupe de la droite identitaire Storm Alliance dans Facebook. Ce groupe est à l'origine de plusieurs manifestations pour dénoncer l'arrivée de demandeurs d'asile à Saint-Bernard-de-Lacolle.

Questionné à ce sujet, M. Paul-Hus a dit ignorer le fait que Mme Blain était sympathique à ce groupe identitaire.

«Moi, ce que j'ai vu, c'est une femme - sans savoir d'où elle venait - qui est là et qui pose une question, la même question que le gouvernement du Québec demande et qu'on a soulevée en Chambre souvent», a-t-il dit en ajoutant que le Parti conservateur n'avait aucun lien avec Storm Alliance.

Le chef conservateur Andrew Scheer en a rajouté en soirée en accusant Justin Trudeau de «dénigrer ses critiques» plutôt que «d'affronter le problème».

Trop loin?

Dans la vidéo tournée par un téléphone lors du passage du premier ministre à Sabrevois, en Montérégie, jeudi, on voit la dame d'abord demander au premier ministre s'il entend rembourser les Québécois pour l'accueil des demandeurs de statuts de réfugiés qui traversent la frontière américaine. Elle cite la demande de 146 millions $ faite par le gouvernement du Québec.

«Je veux savoir quand vous allez nous remettre le 146 millions $ qu'on a payés pour vos immigrants illégaux, s'est écriée la dame. C'est nous autres qui a payé pour ça!»

Le premier ministre, au micro sur une petite scène extérieure, a commencé par lui répondre en dénonçant l'intolérance.

«Madame, cette intolérance par rapport aux immigrants, ça n'a pas sa place au Canada», a-t-il répondu.

Puis, lorsqu'elle l'a apostrophé quelques minutes plus tard durant un bain de foule en lui demandant s'il est «tolérant avec les Québécois de souche», il l'a traitée de «raciste».

«Madame votre racisme n'a pas sa place ici», a-t-il dit en ajoutant qu'il était un «fier Québécois» avant de quitter les lieux.

La dame a ensuite été approchée par deux agents de la GRC qui lui ont demandé de s'identifier, ce qu'elle a refusé de faire.

Justin Trudeau est-il allé trop loin? Le premier ministre du Québec, Philippe Couillard, soutient qu'il aurait eu une approche différente.

«Si quelqu'un me parle d'une inquiétude face à la diversité, je vais accepter que cette inquiétude existe et je vais tenter d'expliquer mon point de vue, que c'est une chose qui peut être très positive pour notre société», a-t-il affirmé.

Sa réaction contraste avec celle de la ministre ontarienne responsable de l'Immigration, Lisa MacLeod, qui croit que c'est plutôt Justin Trudeau qui divise.

«Lorsque le premier ministre est confronté aux problèmes que son gouvernement a créés, qu'il cède à la panique et traite les gens de racistes, il méprise le débat que nous avons», a-t-elle dit.

À l'instar du Québec, le nouveau gouvernement conservateur de l'Ontario demande un remboursement d'Ottawa pour l'accueil des demandeurs d'asile, qu'il estime à au moins 200 millions $.

Le gouvernement fédéral a offert 50 millions $ au Québec, à l'Ontario et au Manitoba pour défrayer une partie des dépenses générées par l'entrée de migrants en sol canadien. Jusqu'à présent cette année, 12 378 personnes sont entrées au Canada de façon irrégulière et ont présenté des demandes d'asile.