Le premier ministre Justin Trudeau a fait son mea culpa jeudi matin au lendemain de la bousculade survenue à la Chambre des communes mercredi soir.

L'air contrit en prenant la parole aux Communes, M. Trudeau a soutenu que son comportement était « inacceptable » et indigne des fonctions qu'il occupe.

Il a demandé pardon aux Canadiens pour un geste qu'il a qualifié d'injustifiable, qu'il a dit regretter et qu'il n'aurait jamais dû poser.

« Je m'excuse sincèrement pour les gestes que j'ai posés hier. J'aimerais présenter des excuses à tous mes collègues de la Chambre et à vous monsieur le président pour avoir manqué à mes devoirs de me comporter de façon exemplaire. Les députés s'attendent à un meilleur comportement de la part de n'importe qui dans cette Chambre et avec raison. Je m'attends à mieux de moi-même », a déclaré M. Trudeau.

Il a aussi présenté des excuses aux deux députés qu'il a bousculés : le whip conservateur, Gord Brown, et la députée du NPD, Ruth Ellen Brosseau.

L'Opposition officielle a accepté ses excuses, mais a demandé le retrait immédiat de la « motion 6 » proposée par le gouvernement cette semaine et qui aurait pour effet de circonscrire les pouvoirs des partis de l'opposition en Chambre.

« Imaginons un instant qu'un Canadien expérimente quelque chose de semblable dans son lieu de travail. Ils s'apprêtent à s'asseoir pour une réunion, mais elle est un peu en retard. Alors le patron entre dans la pièce, sacre après des gens et les tire à la table par le bras, par la force. Qu'est-ce qui arriverait ? Je crois qu'on sait tous ce qui arriverait », a lancé la chef par intérim du Parti conservateur, Rona Ambrose.

M. Trudeau ne s'est toutefois pas rendu aux demandes répétées de l'opposition pour retirer la motion du gouvernement.

Question de privilège

Les esprits se sont échauffés à la Chambre des communes mercredi soir quand le premier ministre Justin Trudeau a brusquement heurté une députée du NPD, Ruth Ellen Brosseau, alors qu'il tentait d'accélérer la tenue d'un vote à la Chambre des communes en saisissant le bras du whip de l'opposition officielle pour le conduire à son siège.

L'incident a failli provoquer une altercation entre M. Trudeau et le chef du NPD, Thomas Mulcair, frustré par le geste du premier ministre. Les deux hommes se sont invectivés et ont dû être séparés par des députés pour éviter que la situation ne dégénère davantage.

Le comportement de M. Trudeau, jugé « indigne d'un premier ministre » par les députés de l'opposition, continue d'être débattu aux Communes ce matin, puisque le président, Geoff Reagan, a reconnu qu'il y avait de « prime abord » une question de privilège parlementaire. Mme Brosseau a en effet raté le vote qui s'est tenu quelques minutes plus tard.



De telles questions de privilège ont préséance sur toute autre question à l'ordre du jour à la Chambre. L'incident sera donc débattu pendant une période indéterminée, mettant sur la glace les autres sujets, dont le projet de loi sur l'aide médicale à mourir, qui attend l'adoption en troisième lecture pour être renvoyé au Sénat.    

Atmosphère tendue

L'atmosphère est tendue au Parlement depuis le début de la semaine, avec la fin de session qui approche et le gouvernement qui tente de faire adopter des projets de loi avant de suspendre les travaux pour l'été.

L'incident est survenu alors que les députés s'apprêtaient à voter sur une motion du gouvernement qui limite le temps de débats sur le projet de loi C-14 sur l'aide médicale à mourir. Ottawa ne dispose que jusqu'au 6 juin pour adopter ce projet en vertu des délais imposés par la Cour suprême du Canada.

Plus tôt dans la journée, les libéraux ont fait savoir qu'ils jonglent avec l'idée de modifier les règles de la Chambre des communes afin de s'arroger le pouvoir de limiter les débats, la tenue de votes-surprises provoqués par les partis de l'opposition et décider unilatéralement de la fin des travaux parlementaires.

Ces changements ont été évoqués deux jours après que le gouvernement Trudeau, majoritaire aux Communes, soit venu à un cheveu de perdre un vote sur le projet de loi C-10 qui allège les conditions d'opération d'Air Canada.

La réaction du gouvernement a cependant soulevé l'ire du Parti conservateur et du NPD, qui voient là une manoeuvre visant à étouffer les débats démocratiques alors que des enjeux de société importants tels que l'aide médicale à mourir sont débattus au Parlement.

Elizabeth May a d'ailleurs souligné en Chambre mercredi soir que bien que le geste de M. Trudeau était inadmissible, il fallait garder les choses en perspective et il y avait des « manigances » sur le parquet pour tenter de retarder le vote.