«Je ne sais pas ce qui s'est passé, après deux ou trois tentatives pour la redresser sur son oreiller, sans réussir, j'ai pris l'oreiller, je l'ai mis sur sa tête et j'ai attendu. Elle souffrait trop, je ne voulais plus qu'elle souffre.»

En larmes, Michel Cadotte a raconté en ces termes, ce matin, comment il avait tué son épouse Jocelyne Lizotte, rendue impotente par la maladie d'Alzheimer, le 20 février 2017, dans sa chambre du CHSLD Émilie-Gamelin.

L'homme de 57 ans en est à sa deuxième journée de témoignage, à son procès devant jury, au Palais de justice de Montréal, pour répondre à une accusation de meurtre non prémédité.

«Quand j'ai retiré l'oreiller, je l'ai regardée, elle avait les yeux ouverts. Elle avait l'air tellement sereine, ça faisait des années que je ne l'avais pas vue comme ça», a-t-il poursuivi, pris de sanglots.

Avant de raconter comment il avait commis l'irréparable, Michel Cadotte a expliqué qu'il se trouvait dans un état d'extrême détresse à cette période, isolé, épuisé et inquiet, parce qu'il estimait que sa femme ne recevait pas les soins adéquats.

Il avait eu un diagnostic de dépression, qu'il traitait au moyen de médicaments, et souffrait aussi de problèmes cardiaques, d'arthrose et d'apnée du sommeil, ce qui l'empêchait de bien dormir. Il avait perdu son emploi et tentait de gagner sa vie en faisant des petits boulots.

La fin de semaine avant les événements, il avait repris contact avec ses enfants, perdus de vus depuis 20 ans, et avec sa petite fille, qu'il ne connaissait pas. Mais il s'est rendu compte que son initiative risquait de causer de la discorde dans leur famille, et a donc décidé de couper les liens à nouveau, ce qui l'a beaucoup peiné, a-t-il dit.

«Je me suis mis à boire beaucoup, même si j'avais presque arrêté. Le dimanche avant, j'ai pris de la bière et de la tequila, je ne sais pas combien. Le lendemain, quand je suis allé au CHSLD, je ne me sentais pas bien, j'étais maussade, je n'étais pas complètement moi-même.»

Il s'est mis en colère quand il a vu sa femme dans son fauteuil gériatrique, sans l'appui-tête permettant de lui maintenir la tête droite. «Elle avait le cou "cassé", la tête complètement tombée sur son épaule, a-t-il relaté. Je sais que ça lui faisait mal, même si elle ne pouvait pas s'exprimer.»

Michel Cadotte avait fait de nombreuses plaintes au sujet des soins donnés à sa femme, au CHSLD et quand elle avait été hospitalisée précédemment. Ce n'était pas la première fois qu'il se plaignait de sa mauvaise position dans son fauteuil roulant, auquel elle était attachée en permanence.

Il a raconté avoir donné son dîner à sa femme en pleurant, ce midi-là. Sa tête restait sur le côté, en raison de ses muscles crispés, et il n'arrivait pas à la faire manger convenablement.

Ensuite, au moment de la mettre au lit, il a encore eu de la difficulté à la placer dans une position confortable sur son oreiller.

C'est alors qu'il a posé le geste funeste.

Plus tôt cette semaine, son avocat, Me Nicolas Welt, a expliqué au jury qu'il entendait plaider que M. Cadotte était à bout et que, dans cet état d'esprit, il n'était pas parfaitement libre de ses choix.

Michel Cadotte s'était renseigné, en 2016, sur l'aide médicale à mourir, qu'il voulait demander pour son épouse, avec l'accord des fils de celle-ci. Il s'est fait répondre que ce n'était pas possible parce qu'elle n'était pas en mesure de donner son consentement et qu'elle n'était pas en fin de vie.

«Mais je demandais en réalité d'exécuter le mandat d'inaptitude signé par ma femme, a-t-il expliqué. C'était bien inscrit que si on perdait nos capacités neurologiques, nous voulions recevoir des médicaments pour nous empêcher de souffrir, même si c'était pour nous apporter la mort.»

L'accusé poursuit son témoignage cet après-midi.