Les partis d'opposition sont «préoccupés» par la suspension d'une procureure aux poursuites criminelles et pénales chevronnée qui s'est récemment plainte du «manque de ressources» pour la préparation d'un procès pour meurtre prémédité auprès d'un juge. Le Parti québécois urge la ministre de la Justice Stéphanie Vallée à tirer cette affaire au clair.

«Qu'il puisse y avoir un manque de ressources, précisément dans les cas de procès pour meurtre, c'est très très préoccupant. La ministre doit dire haut et fort si ce qu'elle prétend publiquement n'est que de la poudre aux yeux et qu'on a des difficultés budgétaires et de ressources au DPCP. C'est très très important de nous dire ce qu'il en est vraiment», maintient Véronique Hivon, porte-parole du Parti québécois en matière de justice.

La procureure de la Couronne Me Geneviève Dagenais a lancé un véritable «cri du coeur» dans sa lettre au juge, selon le député Simon Jolin-Barrette, porte-parole de la CAQ en matière de justice. «Il faut que les procureurs de la Couronne aient les ressources pour effectuer leur travail. Dans ce cas, il semble que les ressources financières n'étaient pas disponibles pour engager un psychiatre et mener à bien le procès», explique le député caquiste, sans commenter précisément la suspension.

Afin de préparer un procès pour meurtre qui doit commencer la semaine prochaine, Me Geneviève Dagenais avait demandé un budget au Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) le 17 juillet dernier. Elle voulait embaucher un expert en psychiatrie légale pour renforcer sa preuve. Or, ce budget lui aurait été refusé. C'est pour cette raison qu'elle a ensuite écrit au juge du procès Jean-François Buffoni pour dénoncer un «manque de ressources». Sans ce psychiatre, elle doutait être en mesure de commencer le procès le 13 septembre comme prévu.

Me Dagenais a réécrit au juge le 20 août pour indiquer avoir réussi à trouver un autre expert avec le budget imposé. Deux semaines plus tard, elle a été suspendue par son employeur, une mesure extraordinaire qui a créé une commotion au sein du DPCP, selon nos informations.

La députée Véronique Hivon craint qu'il n'y ait une «forme d'omerta» au sein du système judiciaire, comme on a «vu dans le système de santé». C'est pourquoi elle appelle la ministre Vallée à «rassurer la population» et à «faire la lumière sur cette situation», surtout dans le «contexte excessivement difficile» de l'ère post-Jordan. Cet arrêt de la Cour suprême a sévèrement balisé les délais entre l'accusation et la tenue d'un procès d'un accusé, menant à la libération de plusieurs accusés, notamment de meurtre.

Selon Simon Jolin-Barrette, la ministre Vallée doit s'assurer que le DPCP a toutes les ressources nécessaires. «Depuis l'arrêt Jordan, les procureurs travaillent très fort et sont fatigués. Ils ont besoin de ressources pour faire leur travail. C'est à Me Annick Murphy [directrice du DPCP] à dire au gouvernement libéral si elle a besoin de ressources pour mener la mission dont est investie le DPCP», soutient-il.

La ministre Vallée n'a pas commenté l'affaire, puisque le dossier relève du DPCP, une «institution indépendante et qui a agit en fonction de ses droits de gestion d'employeur», a indiqué à La Presse son attachée de presse.