(Québec) La lutte à la prostitution juvénile est maintenant « hautement technologique » et il faudra recourir massivement à l’intelligence artificielle, a pu constater la commission parlementaire spéciale sur l’exploitation sexuelle des mineurs, qui concluait ses audiences lundi.

Un expert a invité les élus à faire une recherche sur l'internet avec le mot « escorte » pour qu’ils notent par eux-mêmes qu’une quinzaine de pages d’offres vont apparaître, uniquement dans la région de Québec.

Les membres de cette commission non partisane ont fait état d’une diminution de ce fléau durant la pandémie de COVID-19 le printemps dernier, mais qui fut de courte durée : le Québec est toujours une plaque tournante de la traite des mineurs au Canada et en Amérique.

« La lutte est hautement technologique », a confirmé le président de Vigiteck, Paul Laurier, un ancien policier qui gère une société spécialisée en cyberenquête et qui a témoigné en commission parlementaire lundi à l’Assemblée nationale.

Par exemple, pas moins de 1000 ou 3000 « robots » pourraient être nécessaires pour retracer avec notamment des moyens de reconnaissance faciale une adolescente exploitée sexuellement que ses proxénètes ont retirée de la région de Montréal pour la transférer au sud de Toronto, où des « clients-abuseurs » sont friands de « frenchie », a-t-il expliqué.

L’intelligence artificielle permet de détecter des visages, tatouages et bijoux de façon « particulièrement efficace » sur des photos, grâce à une capacité de traitement qui s’accroît rapidement, a-t-il poursuivi. L’usage de robot peut ainsi réduire de 1000 heures la durée d’une enquête.

« Pour bien suivre, surveiller et comprendre les activités sur les réseaux sociaux, ça va nous prendre beaucoup de ressources et des ressources très spécialisées en intelligence artificielle, afin de soutenir le rythme [de recrutement des mineurs] qui s’est accéléré », a déclaré la députée libérale Kathleen Weil en conférence de presse au côté de ses collègues des autres partis.

Ainsi, les gangs de rue recrutent leurs victimes à une échelle « extrêmement grande » et de façon « extrêmement efficace », a indiqué Dominic Monchamp, du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM).

Les criminels ont recours entre autres à YouTube et Airbnb. Également, Facebook, Twitter et Instagram publient des annonces de sollicitation, tandis que des salons de massage recrutent directement par le Web, peut-on lire dans le rapport de M. Laurier.

Changer les mentalités

Si les élus ne peuvent recommander le renforcement du Code criminel, qui relève du fédéral, ils plaident toutefois pour changer les comportements : solliciter et obtenir des faveurs sexuelles d’une personne mineure doit devenir « socialement inacceptable », tout comme l’alcool au volant l’est devenu.

« J’espère qu’on peut agir pour que ça devienne impensable pour un individu d’acheter un service sexuel, a dit M. Monchamp. Et pour arriver à ça, il faut que le message communautaire de notre société tende vers ça. »

Il a d’ailleurs laissé entendre qu’il faudrait des campagnes de publicité comme celles de la Société de l’assurance automobile du Québec pour changer les comportements.

Les élus ont laissé entendre que les recommandations à venir ultérieurement dans leur rapport pourront aller jusqu’à demander des changements législatifs ou le dépôt de projets de loi.

Effet COVID

Le président de la commission parlementaire, le député caquiste Ian Lafrenière, a expliqué que le confinement du printemps dernier a eu l’effet de freiner le recours à la prostitution juvénile, mais de façon temporaire.

Pour un temps en effet, il était impossible par exemple pour un « client-abuseur » de justifier à sa famille une absence prolongée en prétextant qu’il était retenu au bureau. En outre, plusieurs établissements hôteliers ont fermé, donc les lieux de rencontre étaient plus limités.

« Ça a baissé le niveau [de l’offre], c’était un des bons côtés de la pandémie », a commenté M. Laurier. Depuis il y a eu une reprise et également, l’offre de services virtuels.